La procédure d’agrément au sein d’une société permet d’établir un contrôle en cas de cessions d’actions et d’éviter l’entrée de nouveaux associés que la société jugerait comme “indésirable“.
Dans un arrêt du 04 janvier 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion de revenir sur l’agrément au sein d’une société par actions simplifiée, notamment lorsque la société refuse d’agréer un nouvel associé et demande l’évaluation des droits sociaux par un expert.
L’agrément tacite de la société
En l’espèce, une société par actions simplifiée avait pour associés deux autres sociétés que l’on dénommera respectivement A et B.
Le 09 décembre 2004, la société A, souhaitait céder ses actions sociales à une société tierce au prix minimum de sa valeur nominale, c’est-à-dire au moins à la valeur des actions sociales au moment de la création de la société.
Exemple : Si une SAS est créée en 2002 avec un capital social de 10 000 euros pour cent actions, la valeur nominal d’une action est de 100 euros.
Afin de pouvoir lancer la cession, la société A a sollicité l’agrément de la SAS dans laquelle il est associé.
Le 15 février 2005, l’assemblée générale extraordinaire de la SAS a refusé d’agréer ladite cession et a demandé la mise en œuvre de la procédure permettant de déterminer la valeur des droits sociaux.
Refus d’agrément et valeur des droits sociaux
L’évaluation des droits sociaux peut être réalisée de deux façons :
- L’évaluation conventionnelle ;
- L’expertise ;
Comme son nom l’indique, l’évaluation conventionnelle résulte d’un accord issu d’une négociation préalable avec les autres associés.
En cas de litige entre les associés, le Code civil prévoit l’intervention d’un expert aux fins d’évaluations, les statuts pouvant prévoir certaines méthodes d’évaluations en amont.
L’intervention de l’expert peut intervenir en cas de contestation sur la valeur des droits sociaux, et si les statuts ne permettent pas de déterminer le prix de ceux-ci.
Le texte entend par contestation tout échec des négociations sur la fixation du prix des droits sociaux. Littéralement, la contestation s’entend comme « le simple désaccord entre les parties sur le montant du prix de cession. » (L. Cadiet, « Arbiter, arbitrator, Gloses et post-gloses sous l’article 1843-4 du code civil », Mél.Guyon, Dalloz, 2003, p.155
La plupart du temps, il faut faire désigner un expert lorsqu’à la suite du désaccord, la loi renvoi à l’article 1843-4 du Code civil pour fixer les conditions de prix de la cession ou lorsque le prix de la cession n’est ni déterminé ni déterminable.
Quelles sont les situations dans lesquelles le prix n’est pas déterminable ?
- Lorsque la promesse de cessions fixe le prix en fonction d’éléments incertains, tel est le cas de l’actif net social (actif – dettes) ;
- Lorsque le projet fixe le prix au montant du rachat du compte courant du cédant, qui peut varier selon la seule volonté du cédant, lorsqu’il n’est pas fait référence à une date précise ;
Hors contestation, l’intervention de l’expert peut intervenir aux fins d’évaluer les droits d’un associé cédant ses parts, se retirant ou étant exclu de la société afin d’encadrer au mieux la sortie de celui-ci.
C’est notamment le cas à la suite d’un refus d’agrément du cessionnaire. L’intervention de l’expert est importante pour préserver les intérêts de l’associé cédant.
Refus d’agrément et force obligatoire des contrats
Les statuts de la société par actions simplifiées prévoyaient en l’espèce qu’à l’issue d’un délai de deux mois suite à la décision de refus d’agrément, la société devait soit faire racheter les actions qui devaient préalablement être cédé par un ou plusieurs associés ou procéder elle-même au rachat des actions lorsque le prix était fixé d’un commun accord ou à l’issue de la procédure de l’article 1843-4 du Code civil.
La SAS demande l’évaluation de la valeur des droits sociaux par un expert ainsi que le séquestre des actions pour en empêcher la cession devant le président du tribunal de commerce, qui sera accordé.
A la suite du rapport de l’expert, la société A demande alors le rachat des actions au prix fixé par l’expert.
La société par actions simplifiée refuse au motif qu’à défaut de rachat dans les deux mois prévu par les statuts ainsi que du Code de commerce, la cession est censée avoir agréé la cession. L’article L228-24 du Code de commerce écrit en ce sens que « Si, à l’expiration du délai prévu à l’alinéa précédent, l’achat n’est pas réalisé, l’agrément est considéré comme donné. »
C’est le raisonnement qui sera validé par la Cour d’appel. La société A conteste ce raisonnement au motif qu’en ayant refusé d’agréer la cession avec la société tierce et en ayant procédé au séquestre des sommes afin d’en empêcher la cession, la société avait refusée d’agréer ladite cession.
La Cour de cassation considère ici que lorsque la société par actions simplifiée a demandé la mise sous séquestre des actions et la désignation d’un expert pour déterminer la valeur des droits sociaux, la société par actions simplifiée avait manifesté son intention d’acquérir les titres en question à un prix fixé par l’expert.
Dès lors qu’un accord sur la manière dont le prix était fixé ainsi que sur la chose était fait, la société ne pouvait plus se rétracter.
La cour de cassation se base sur la force obligatoire des contrats, selon lequel « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
Graduation du contrôle des cessions d’actions au sein des SAS
L’agrément dans les SAS : priorité à la liberté
Il est loisible d’encadrer conventionnellement (via l’insertion de clauses au sein des statuts où par des pactes extra-statutaires) la sortie d’un actionnaire, que ce soit de façon interne afin de stabiliser le renforcement de pouvoirs de l’un des associés restants ou encore de façon externe par la création d’un nouveau concurrent.
Attention : Les clauses assurent donc l’entrée et la sortie de tout associé via un pouvoir qui fait souvent peur aux nouveaux investisseurs qui souhaite être libre dans leur sortie.
L’article L.227-14 du Code de commerce prévoit le droit de conditionner toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société.
Pour les sociétés anonymes, le texte de loi impose d’offrir la possibilité de voir ses titres être racheté par la société, un associé ou bien un tiers.
Si une position claire et non équivoque n’a pas encore été donné, tout porte à croire que dans le silence des statuts, un droit similaire doit être octroyé aux associés de SAS.
Le reste de la procédure d’agrément est librement fixé dans les statuts.
Le texte relatif à cela est l’article L.227-14 du Code de commerce indique que la personne qui doit donner l’agrément est « la société » mais la désignation de l’organe compétent est tout à fait libre.
Exemple :
- Président ?
- Autre organe dirigeant ?
- Les associés ?
- Une partie des associés ?
- Un tiers à qui la mission est déléguée ?
Ce n’est pas une nouveauté, la société par actions simplifiée bénéficie d’une grande liberté statutaire.
Il y a lieu de rappeler que la procédure d’agrément dans les SAS est facultative, contrairement aux sociétés à responsabilité limitée où l’agrément est obligatoire.
La conventionnalité du contrôle de l’actionnariat
Les clauses de contrôle peuvent concerner toutes les actions, une catégorie d’actions, où ne valoir qu’à l’égard de certains associés. Le régime de la SAS vous permet de choisir votre degré de contrôle concernant les actions de la société et leurs mouvements.
Il est possible de soumettre une partie des associés à une interdiction de cession de leurs parts pendant la durée de clause afin de garder « une base d’actionnaires » solide.
Également, il est possible de dresser une liste d’acquéreurs interdits telle que des concurrents de la société.
On retrouve donc une réelle variation d’intensité en matière de contrôle du capital au sein du régime de la société par actions simplifiée.
Attention : L’ensemble des clauses encadrant la variation du capital et de l’actionnariat doivent être rigoureusement rédigé.
Il faut notamment réfléchir à l’ensemble des délais de chaque procédure et du formalisme qui l’encadre et éviter le non-respect des règles du Code civil.
Il faut retenir, de manière générale, que l’ensemble de vos clauses doivent éviter d’être imprécise, flou et arbitraire.
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