Le Conseil d’Etat a jugé qu’il ne pouvait pas y avoir de suspension pour les soignants en arrêt maladie. Plus précisément, il a considéré comme illégale la prise d’effet de la suspension de la rémunération d’un agent durant son arrêt maladie.
- Conseil d’Etat 2 mars 2022 n°458353
« Certains aiment tellement l’humanité qu’ils sont prêts à l’exterminer pour assure son bonheur » disait Yves Moigno.
A vouloir sauver les Hommes d’une mort annoncée comme certaine de la Covid-19, on en a oublié notre humanité. Ainsi, en suspendant sans rémunération des personnes se trouvant en situation de détresse, on accepte l’inacceptable.
Si à la date à laquelle nous écrivons cet article (mars 2022), la question de la suspension des agents publics et notamment des personnels soignants n’offusquent que très peu les parties politiques, les syndicats et l’opinion publique. Pourtant, il viendra un temps où l’on devra admettre que la fin ne justifie pas tous les moyens.
Ainsi, si aucune vaccination n’a jamais donné lieu à des suspensions sans rémunération, c’est avant tout parce que c’était une mauvaise idée.
L’histoire tranchera, et elle sera cruelle !
I- La suspension initialement possible des agents en arrêt maladie :
Dans un précédent article, nous avions développé très largement le cadre juridique initial.
Nous le rappellerons très brièvement et renvoyons nos lecteurs vers cet article, si la curiosité les pique.
La loi du 5 aout 2021 oblige l’employeur à vérifier que son agent respecte l’obligation vaccinale pour exercer.
A défaut l’employeur peut suspendre sans rémunération l’agent public.
Possibilité et non obligation dès lors qu’il reste toujours possible de procéder à un licenciement pour inaptitude, une rupture conventionnelle ou encore une démission.
La question de l’arrêt de travail n’est pas abordée par les dispositions de la loi du 5 aout 2021.
C’est dans ces conditions que de nombreux tribunaux ont accepté de suspendre des agents publics ne satisfaisant pas à l’obligation vaccinale.
II- L’interdiction de la suspension des agents publics en arrêt maladie :
Comme nous l’indiquions, dans le silence de la loi, il convenait de se référer à ce qui avait toujours été jugé en matière de suspension d’agent public.
Pour rappel, les agents suspendus dans le cadre disciplinaire ont droit au maintien de leur traitement.
C’est dans une affaire particulière que le Conseil d’Etat a accepté la suspension de la rémunération d’un agent placé en congé maladie. En effet, ce dernier était en situation d’interdiction d’exercice professionnelle en raison d’une infraction pénale. Ainsi, le droit à congé maladie lui aurait accordé une rémunération à laquelle il n’aurait pas pu prétendre s’il n’était pas malade. Il était interdit d’exercice quel que soit son état de santé.
C’est le fondement de cette jurisprudence qui justifient les décisions des tribunaux « dissidents ». Ainsi, ces tribunaux soutenaient que si les agents n’étaient pas en arrêt maladie ils n’auraient pas pu bénéficier d’une rémunération, car non vaccinés. Dans ces conditions l’arrêt maladie leur donnerait plus de droit que ce qu’ils auraient normalement en position d’activité. En conclusions, même en arrêt maladie, ils ne pouvaient pas être rémunérés.
Heureusement, le Conseil d’Etat censure ces ordonnances.
Ainsi, il reconnait que l’agent en arrêt maladie peut être suspendu s’il ne satisfait pas à l’obligation vaccinale. Cependant, la suspension de la rémunération qui accompagne la mesure ne peut entrer en vigueur qu’à la date à laquelle prend fin le congé maladie.
III- Pourquoi l’agent en arrêt maladie n’est pas suspendu ?
Le Conseil d’Etat n’explicite pas son raisonnement et se retranche derrière l’application des textes, comme si aucune doute n’existait.
Plusieurs éléments permettent de justifier cette décision.
Tout d’abord la jurisprudence de la Cour EDH condamne les Etats pour des législations qui porteraient une atteinte disproportionnée au but légitime poursuivi par la loi.
En l’espèce, quel est l’intérêt de suspendre pour un motif de santé publique un agent qui n’exerce pas en raison de son état de santé ?
Cela n’apporte rien sur le plan sanitaire, puisque l’agent n’est pas au contact des personnes fragiles. Surtout, l’individu se retrouve dépourvu de toute liberté de choix en se retrouvant en très grande précarité.
Ensuite, parce que moralement, la suspension de rémunération d’agents ayant commis des faits de nature pénale se comprend tout à fait. En revanche, cela est moins vrai pour des agents pour lesquels aucune faute n’est reprochée.
Enfin, parce que le secret médical ne permet pas de connaître la pathologie des agents. Ainsi un état de santé fragile peut justifier un décalage dans le temps de la vaccination.
En conclusion, il pourrait donc y avoir de vrais drames à suspendre des agents pour lesquels l’état de santé pourrait justifier de ne pas réaliser dans l’immédiat une vaccination.
IV- Quels points d’incertitudes sur la suspension des agents en arrêt maladie ?
La Doctrine discute beaucoup au sujet de la date à laquelle l’arrêt maladie intervient.
A) La date de l’arrêt maladie :
Tout d’abord, la date de l’arrêt maladie à une incidence. En effet, le juge doit se prononcer sur l’illégalité d’une décision administrative. A ce titre, il doit apprécier si à la date à laquelle la décision était prise, elle était légale.
Ainsi, on ne saurait reprocher à l’administration de ne pas avoir pris en compte, un élément qui n’existait pas à la date de sa décision !
Dans ces conditions, un agent qui aurait obtenu un arrêt maladie postérieurement à sa décision de suspension ne pourra pas obtenir l’annulation de cette décision.
En revanche, il aura le droit d’obtenir une indemnisation, si à la date de son arrêt maladie, l’administration n’a pas rétabli sa rémunération.
En conclusion, si un agent a perdu son recours en annulation, cela ne l’empêchera certainement pas d’obtenir réparation. Cette réparation pourra être recherchée à l’encontre de l’Etat. Egalement, elle pourra être recherchée à l’encontre de l’employeur. Dans ces deux situations, qu’importe qu’une faute ou une illégalité aient été commises.
B) La durée du certificat de rétablissement :
Initialement la durée d’un certificat de rétablissement était de 6 mois. En février 2022, cette durée est passée à 4 mois pour ceux obtenus après le 16 février.
Ainsi les certificats de rétablissement valent satisfaction à l’obligation vaccinale.
Sur ce point, nous le savons déjà, des employeurs suspendront leurs agents publics au bout de quatre mois de validité de leur certificat de rétablissement sans tenir compte de la date à laquelle le test de dépistage positif a été réalisé.
Il faudra encore se battre pour que le respect des droits fondamentaux. Rappelons qu’imposer un vaccin par la force, même pour une bonne raison, constitue les germes de la tyrannie. Imposer une vaccination à des agents en arrêt maladie, les privant de tout moyen de subsistance ne devrait jamais être toléré. Surtout, cela est encore plus vrai dans une société démocratique.
Beaucoup de magistrats auront honte des décisions qu’ils ont rendues en ce domaine, parce que s’il s’agissait d’une décision de justice, elles étaient privées de toute humanité.