Le harcèlement moral des agents publics est interdit et réprimé pénalement. C’est une infraction infamante venant de la part de l’administration.
Pourtant le harcèlement moral existe et conduit chaque année de nombreuses personnes à sombrer dans une profonde dépression.
Naturellement, le harcèlement moral est difficile à prouver en raison de son caractère insidieux, discret, et souvent marqué par l’absence évidente de témoins ou de preuves écrites.
Dénoncer le harcèlement moral est une première étape, mais le prouver en est une autre.
Bien souvent les agents publics dénoncent des comportements inadaptés, malveillants voire violents. Malheureusement trop peu adoptent les bons réflexes. En effet, les agents publics sont peu formés sur la question du harcèlement moral, sujet ô combien tabou.
Le harcèlement moral dans la fonction publique a longtemps été un sujet sensible en raison du lien indéfectible entre l’agent et le service, ainsi que de la rareté des licenciements. Il était autrefois inimaginable pour les agents d’attaquer devant un juge leur employeur, vu comme un protecteur. En outre, le devoir d’obéissance stricte laissait peu de place au dialogue social.
En outre, l’Assurance Maladie estime que le stress au travail, une composante majeure des RPS, coûte entre 1,9 et 3 milliards d’euros par an aux entreprises françaises.
Il s’agit donc d’un sujet de société majeure dans lequel les agents victimes doivent agir pour faire condamner ces faits.
En outre, la jurisprudence accorde en général des indemnisations variant de 8.000 € à 45.000€.
Nous verrons dans cet article tout ce que vous devez savoir sur le harcèlement moral des agents publics.
Qu’est ce que l’on considère comme du harcèlement moral ?
Le harcèlement moral est appréhendé par différents code. Le code pénal le réprime à son article 222-33-2. Le code du travail l’envisage aux termes de son article L.1152-1. Enfin le code général de la fonction publique interdit le harcèlement moral à son article L.133-2.
Une circulaire de 2014 a définit ce qu’il convenait de caractériser comme du harcèlement moral dans la fonction publique.
Si les définitions ne sont pas exactement les mêmes, elles ont en commun de fixer trois conditions pour reconnaître qu’un fait est du harcèlement moral dans la fonction publique.
1ère condition : des actes répétées ; un seul agissement ne suffit pas ;
2ème condition : l’intention de nuire est indifférente à la qualification du harcèlement moral. On peut donc harceler sans en avoir l’intention !
3ème condition : une dégradation des conditions de travail et de l’état de santé de la victime ; la victime sombrera dans une dépression ou dans un état de stress.
Le harcèlement moral isole la victime en la faisant douter d’elle-même et en la poussant à des comportements désespérés. L’agent harcelé, accusé, fini par commettre des erreurs, rédigeant des lettres détaillées à une administration indifférente, ce qui le piège davantage.
Le silence prolongé de l’administration peut conduire à un désespoir profond, poussant certains à médiatiser leur situation, violant ainsi leur devoir de réserve, et dans des cas extrêmes, à mettre fin à leurs jours.
Ceux qui survivent sont souvent mis en congé maladie, stigmatisés, et marginalisés par leurs collègues, rendant tout retour au travail difficile.
Comment prouver le harcèlement moral des agents publics ?
Sans la preuve le droit n’est rien !
Cela signifie que toute affirmation doit être assortie des preuves qui la soutienne. Il faut démontrer absolument tout ce que vous affirmez.
A notre sens, il y a trois réflexes à adopter pour prouver votre harcèlement moral.
Tout d’abord, il faut impérativement consigner par écrit tout fait de harcèlement.
Ainsi, si vous faites l’objet d’une réprimande, il faudra adresser un mail afin de solliciter des explications de la part de votre supérieur hiérarchique. A l’occasion de cette demande « d’explication » il s’agira avant tout de faire confirmer par ce dernier la réalité des faits caractérisant le harcèlement. En effet, si cette réprimande est considérée comme étant justifiée par votre supérieur, alors, cela signifie que la réprimande existe. Comme vu précédemment, c’est leur répétition et ses conséquences sur la santé de l’agent qui transforme celle ci en acte de harcèlement moral.
Ensuite, si les faits de harcèlement ont lieu devant d’autres collègues, il sera impératif de les faire témoigner. Nous avons conscience que cela n’est pas simple, mais il faudra les convaincre.
Pour ce faire, il existe un formulaire de témoignage permettant de s’assurer de la véracité de ce qui est rapporté.
Egalement, il convient de déclencher une enquête administrative en informant votre supérieur hiérarchique ou le service des ressources humaines d’une situation de harcèlement. Si la loi ne fixe pas l’obligation d’une « enquête administrative », elle oblige l’employeur a protéger son agent. Cette obligation de protection de la santé de l’agent, doit le conduire à agir.
Enfin, il faudra absolument faire établir par un médecin les conséquences sur votre santé du harcèlement moral.
Pour donner un cas pratique, voici un exemple très concret que nous donnons à nos clients pour les aider à agir.
Exemple) si vous indiquez que vous faites l’objet d’un harcèlement moral de la part de votre supérieur hiérarchique, voici ce que vous devrez démontrer. Tout d’abord, l’arrêté de recrutement permettant de justifier de votre lien avec l’administration. Votre carte d’identité pour confirmer votre existence. Puis, les éléments de faits caractérisant le harcèlement, comme des SMS, des mails, des attestations de témoignage de collègues ayant assisté personnellement à des faits de harcèlement. Enfin, l’enquête administrative résultant de votre signalement auprès de votre employeur.
Comment le juge accepte de reconnaître le harcèlement moral ?
Il est important de prendre contact avec un avocat afin de préparer votre dossier de harcèlement moral. En d’autres termes, un dossier se prépare et une stratégie doit s’établir.
Pour le juge, celui ci tient compte de la difficulté à prouver le harcèlement moral. Il va donc procéder par la méthode du faisceau d’indice. Il reviendra à l’agent de rapporter la preuve des agissements qui selon lui constituent du harcèlement moral. L’administration devra ensuite démontrer que ces faits n’en sont pas. Si elle ne réussit pas, alors le harcèlement sera considéré comme établi.
Parallèlement, si le harcèlement existe et qu’il y a urgence à prendre des mesures de protection de l’agent, un référé est possible. Ce référé aura pour conséquence que le juge enjoindra à l’administration de prendre certaines mesures pour protéger l’agent. Cela permet en urgence de ne pas laisser en souffrance l’agent, le temps de la procédure.
Quelles conséquences en cas de preuve du harcèlement moral ?
Une action en justice aura pour objet la condamnation des responsables et l’indemnisation de la victime.
La condamnation de l’auteur du harcèlement moral :
Le harcèlement moral des agents publics est réprimés pénalement. L’agent peut poursuivre l’auteur, personne physique, devant le tribunal correctionnel. Parallèlement, il peut faire condamner son administration devant le juge administratif.
Ces deux procédures ne permettront pas une « double indemnisation », mais permettront une indemnisation effective. En effet, l’administration est toujours solvable contrairement à un agent.
- Conseil d’Etat 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier, n°s 49595-55240 ;
Ces actions peuvent être menées en même temps.
L’indemnisation de la victime de harcèlement moral :
La victime a droit à une réparation intégrale de son préjudice.
L’indemnisation variera en fonction de plusieurs critères :
- la durée du harcèlement moral ;
- la situation personnelle de l’agent ; nature du poste, ancienneté, cadre de travail etc..
- la gravité des violences psychologiques subies ;
- les conséquences sur l’état de santé de l’agent ; une tentative de suicide conduira à une plus large indemnisation à juste titre ;
- les répercussions sur l’avenir professionnel de l’agent ;
Naturellement, il n’existe pas de grille indemnitaire permettant de connaître à l’avance son droit à indemnisation. Cependant, la jurisprudence accorde en général des indemnisations variant de 8.000 € à 45.000€.
Comment actionner la protection fonctionnelle ?
La protection fonctionnelle des agents publics permet aux agents victime de harcèlement moral d’avoir droit à une prise en charge de leurs frais de justice.
Plus précisément, il s’agit du droit pour un agent de voir ses frais de justice pris en charge par son employeur.
Cette demande n’est pas conditionnée par la preuve du harcèlement moral. Il suffit de démontrer que les faits sont suffisamment plausibles pour qu’elle soit accordée.
Malheureusement trop souvent l’administration ajoute des conditions à l’octroi de la protection fonctionnelle. Ainsi, le dépôt d’une plainte pénale n’est pas indispensable. En revanche, nous la conseillons systématiquement afin que la justice s’empare de ses faits.
Les agents suspendus pendant le Covid ont ils subi des faits de harcèlement moral ?
Pour rappel, de nombreux agents publics ont été suspendus durant la crise sanitaire, faute de satisfaire à l’obligation vaccinale. Ces derniers sont ils victimes de harcèlement moral ?
La réponse est à nuancer dès lors qu’il faudra apprécier au cas par cas que les conditions du harcèlement sont caractérisés. Naturellement, envoyer systématiquement un médecin afin de vérifier la véracité d’un arrêt maladie au motif que l’agent n’est pas vacciné peut constituer un faisceau d’indice.
En conclusion, Celui qui n’empêche pas un crime alors qu’il le pourrait s’en rend complice selon Sénèque !