L’Etat a l’obligation de rendre une décision de justice dans un délai raisonnable. A défaut il peut être condamné à indemniser ce préjudice.
Ainsi, il commet une faute qui engage sa responsabilité en cas de délai anormal.
C’est ce que nous appelons la responsabilité de l’Etat pour délai anormalement long de la justice.
Ce délai ouvre droit à indemnisation pour la lenteur de la justice.
Cependant, rendre la justice exige pour qu’elle soit de qualité, l’écoulement d’un laps de temps.
Ce temps sera toujours vu comme trop long par celui dont la vie reste suspendue aux lèvres du juge.
Quelques chiffres ?
Selon le rapport, les actions en responsabilité du fait d’un dysfonctionnement de la justice constituent un contentieux en forte hausse depuis 2014, en raison, notamment, des délais déraisonnables devant les juridictions prud’homales.
En 2020, le nombre de nouvelles assignations contre l’État a ainsi très fortement augmenté (+ 78 %) : il y a eu 908, dont 600 dus aux contentieux prud’homales (essentiellement des délais).
Dans les 249 décisions ayant donné lieu à condamnation, le montant des sommes à la charge de l’État s’élève à 1,98 million d’euros.
Maître David GUYON obtient régulièrement des condamnations dans les intérêts de ses clients. Si les sommes sont plus raisonnables, c’est en moyenne 8.000 € qui est récupéré dans les intérêts des victimes des délais anormalement long de la justice.
Dans cet article nous verrons comment l’Etat peut être tenu responsable de la lenteur de la justice ?
I- La lenteur de la justice face à l’exigence d’un délai raisonnable :
La célérité de la justice n’implique pas de précipitation. Elle est toutefois soumise à une exigence de délai raisonnable. C’est l’expression consacrée par l’article 6§1 de la Convention EDH. En effet, rappelons que la convention est supérieure à la loi. Elle doit être respectée par les juridictions judiciaires et administratives.
Un délai anormal ne répond pas aux exigences du procès équitable. Pour que les citoyens aient confiance en leur système de justice il convient sue celle-ci reste efficace et crédible.
L’article 6 § 1 de la Convention EDH oblige les États contractants à organiser leurs juridictions de manière à leur permettre de répondre aux exigences de cette disposition. Ils sont ainsi débiteurs d’une obligation positive à l’égard de leurs justiciables.
A) Le point de départ du calcul de la lenteur de la justice :
Le point de départ est en principe la date de la saisine de la juridiction à moins que la saisine d’une autorité administrative constitue une condition préalable à la saisine du juge.
Ainsi une procédure administrative préalable non contentieuse peut constituer le point de départ du délai raisonnable.
B) Le contenu du délai raisonnable :
Ce délai raisonnable tient compte de l’ensemble des procédures et ce, jusqu’à la décision vidant la contestation. Cela peut ainsi comprendre la phase d’exécution d’une décision de justice.
C) L’appréciation de la lenteur de la justice :
Il s’agit d’une appréciation in concreto.
Il n’existe donc pas un chiffre qui permet de dire de manière abstraite quand une procédure devient déraisonnable.
Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure relevant de l’article 6 § 1 de la Convention EDH doit s’apprécier dans chaque cas suivant les circonstances de l’affaire :
- La complexité de l’affaire ;
- Comportement des parties ;
- L’enjeu du litige pour le justiciable ;
II- L’indemnisation du délai anormalement long de la justice :
Le justiciable devra démontrer la lenteur de la procédure (A). Ainsi, cette lenteur sera appréciée de manière plus ou moins souple (B). En effet, l’enjeu pour le justiciable est d’obtenir réparation de son préjudice tirée de l’attente d’obtenir une décision (B).
A) la démonstration de la lenteur de la justice :
Le site du gouvernement reconnait lui-même que le système judiciaire donne lieu à des procédures excessivement lentes. Pourtant, il a fallu attendre l’arrêt « Magiera » du 28 juin 2002 pour que cette lenteur donne lieu à indemnisation. Il s’agit de la responsabilité de l’Etat du fait de la lenteur de la justice administrative. Il s’agit d’un régime de responsabilité pour faute simple.
Cependant, le justiciable doit rapporter la preuve du délai anormalement long dans le cadre de sa procédure.
En outre, les causes de la lenteur excessive de l’institution judiciaire sont connues :
- accroissement du contentieux ;
- complexification de la procédure ;
- comportement dilatoire des parties, etc.
Pour autant certains remèdes peuvent se montrer efficaces à court terme :
- augmentation des capacités de traitement des juridictions par le recours au juge unique ;
- généralisation des modes alternatifs de règlement des litiges (médiation, conciliation) ;
- sanction des parties ne concourant pas à la célérité de la procédure ;
- limitation de la durée des délibérés ou création (prévue par la loi du 23 mars 2019(nouvelle fenêtre)) d’une procédure sans audience en matière civile.
Ainsi, la lenteur de la justice révèle surtout un manque chronique de moyens matériels et humains. Ces mécanismes ne sont que des remèdes partiels. Surtout, cette lenteur est d’autant plus inquiétante qu’elle porte généralement préjudice aux justiciables les plus fragiles. En effet, elle n’est en rien le gage d’une décision de qualité[1].
C’est pourquoi la France a été condamnée à de nombreuses reprises pour un délai anormalement long de la justice. En outre, la méconnaissance d’un délai raisonnable ne remet pas en cause la régularité des décisions rendues.
Enfin, les défaillances touchent tant le service public de la justice judiciaire qu’administrative.
B) Les préjudices réparés par l’engagement de la responsabilité de l’Etat pour délai anormalement long de la justice:
Il est important de comprendre que l’objet de la procédure a uniquement pour but d’indemniser le préjudice résultant de la lenteur de la justice. Cette action se distingue de la procédure pour lequel le justiciable attend une décision.
En conséquence, qu’importe qu’il existe déjà des demandes indemnitaires que pourrait avoir engagé un justiciable à l’occasion d’un autre litige.
Il s’agit donc d’une indemnisation supplémentaire et distincte du litige pour lequel le justiciable attend, en vain, une décision.
Ainsi, les préjudices pouvant être réparés sont :
- Préjudice financier causé par le caractère anormalement long de la justice ;
- Le préjudice moral :
Ainsi, la durée excessive d’une procédure juridictionnelle est présumée entraîner, par elle-même, un préjudice moral.
En principe, dès lors qu’une faute est démontrée, le justiciable bénéficie d’une indemnisation. Maître David GUYON accompagne de nombreux clients devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir réparation de leurs préjudices. C’est en moyenne une indemnisation de pas moins de 8.000 €. Très souvent, une négociation amiable permet de mettre fin aux litiges.
Ainsi les soignants suspendus qui attendent en vain une décision de justice sont en droit d’obtenir réparation de leur préjudice résultant de l’attente d’une décision.
En conclusion, tant que les condamnations seront inférieures au coût qu’engendrerait un véritable service public de la justice, l’Etat n’accordera pas plus de moyens. En qualité de citoyen, nous devons agir pour que la justice soit rendue dans des délais raisonnables. C’est un engagement de Maître David GUYON pour la défense des libertés fondamentales de ses clients.
[1] https://www.vie-publique.fr/fiches/38062-la-justice-est-elle-trop-lente