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Tous surveillés, tous protégés !

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Sommaire

Pour plus de sécurité, l’Etat a jugé pertinent de tous nous surveiller !

En effet, à des fins de protection de la sécurité publique, les Etats ont de plus en plus recours à des systèmes de vidéo surveillance ou vidéo protection.

La généralisation de la vidéo protection entraine une surveillance généralisée de la population au détriment des libertés.

Strictement encadré par le législateur, ces vidéo surveillances ont donné lieu à des abus notamment par la pratique des “amendes sans contact”.

Cette atteinte aux libertés fondamentales est inquiétante.

Alors, Tous surveillés tous protégés ?

I- Les libertés fondamentales sous surveillance généralisée

La vidéoprotection, nom retenue par le législateur, peut ainsi être définie. Il s’agit d’« un procédé technique permettant l’observation et la surveillance d’un espace donné, public ou accueillant du public, à partir d’un système de caméras et de transmission, en vue d’assurer la sécurité et la sûreté, susceptible d’être mis en oeuvre dans les conditions et selon la procédure prévues aux titres III et V du livre II du CSI»

  • Ph. Combettes, « Le CSI à l’aune des collectivités territoriales : un instrument juridique de référence pour l’élu local », AJCT 2015. 304.

Cette liberté publique qu’est la sécurité publique s’entrechoc avec le droit à la vie privée et familiale.

La vidéo surveillance : une atteinte au droit à la vie privée et familiale

La notion de « vie privée » est une notion large, non susceptible d’une définition exhaustive. Elle recouvre l’intégrité physique et morale de la personne. De plus, elle peut « englober de multiples aspects de l’identité physique et sociale d’un individu”.

Ainsi, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Cour EDH) a donné à cette notion, une évolution volontariste et protectrice face au développement des nouvelles technologies.

De plus, la vie privée ne se résume pas à un cercle d’intime. Un cercle dans lequel on pourrait exclure le monde entier. Il s’agit également de l’épanouissement personnel, de la vie sociale, mais également la santé physique ou psychique.

Ainsi, au nom du droit à la vie privée, il existe un droit à refuser des soins ou à un recourir au suicide assisté. De même, la Cour EDH a toujours jugé que la notion de vie privée comprend des éléments se rapportant à l’identité d’une personne. On entend par là, son nom, sa photo, son intégrité physique et morale.

Egalement, la Cour EDH a établi que la surveillance vidéo de lieux publics relève de l’article 8 lorsque les données visuelles sont enregistrées, conservées et rendues publiques.

  • Cour EDH 28 janvier 2003 (Peck c. Royaume-Uni N°44647 :98 §§ 57-63).

Ainsi enregistrer des images sur la voie publique constitue une restriction au droit à la vie privée et familiale. C’est pourquoi ces enregistrements doivent  être limités et strictement nécessaires aux fins qu’elles poursuivent.

En conséquence pour éviter le risque de divulgation des données, leur visionnage et extraction est encadrée. En effet, seuls des agents de l’autorité publique individuellement désignés et habilités pourront avoir accès à ces images.

Un droit d’accès aux enregistrements théoriques et illusoires

Tous surveillés tous protégés, à condition d’avoir accès aux enregistrements et images des caméras de vidéo surveillance.

Le droit à la vie privée et familiale constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L.521-2 du code de justice administrative.

  • Conseil d’Etat 25 octobre 2007, Mme Y., no 310125 ;

De plus, le droit à la vie privée et familiale est protégé à l’article 8 de la Convention EDH et l’article 9 du code civil.

C’est pourquoi l’enregistrement d’images sur la voie publique est strictement encadrée et doit être justifiée par des motifs d’intérêt général (article L.251-2 du code de la sécurité intérieure).

Egalement ce droit procède des dispositions de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

En outre, l’article L.251-2 du code de la sécurité intérieure doit également être lu avec le règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce texte confère un droit aux particuliers de demander la communication de leurs données personnelles.

Ainsi, L’article L.253-5 du code de la sécurité intérieure indique que la demande d’accès aux enregistrements la concernant est « de droit ». Cela signifie que l’accès est automatique.

Cependant, dans la réalité, l’accès à ces images reste assez compliqué et difficile. En effet, l’administration est réticente à communiquer de telles informations.

II- Les atteintes généralisées aux libertés fondamentales par des systèmes de vidéo surveillance

A) La généralisation de la vidéo protection

Les Communes sont les autorités administratives en charge de l’installation de ces systèmes de vidéo surveillance. Bien que facultatifs, ces dispositifs se multiplient.

Ils s’inscrivent dans le prolongement des missions de maintien de l’ordre des Maires (article L.2212-2 du CGCT).

Ainsi il a été jugé par la Cour EDH que la surveillance des faits et gestes d’un individu dans un lieu public au moyen d’un équipement photographique sans enregistrement n’emporte pas en soi atteinte à sa vie privée.

Cependant l’enregistrement de données peut justifier la conclusion contraire, surtout s’il est de nature systématique ou permanente.

Ainsi pour les JO 2024, le législateur entend introduire la possibilité de vidéoprotection par intelligence artificielle. Il s’agit de “caméras augmentées”. Ainsi des algorithmes pourront détecter des dangers. En effet, ces caméras pourront détecter des mouvements de foules, des colis suspects, un goulet d’étranglement dans les transports.

Cette surveillance à la chinoise, n’est pas rassurante. Surtout, elle s’étendra bien au delà des JO.

Ainsi la loi du 19 mai 2023 nous rapproche un peu plus de cette surveillance généralisée imposée à tous.

B) La surveillance par drone ou vidéo protection mobile

Depuis de nombreuses années les forces de l’ordre utilisent les drones pour effectuer de la vidéo surveillance.

En effet, cet usage s’est fortement amplifié durant la pandémie de covid-19. Il s’agissait de vérifier que les règles de sécurité sanitaire étaient bien respectées. Un tel usage a fait apparaître la problématique de l’absence de cadre juridique spécifiquement adapté.

Le but est il vraiment, tous surveillés tous protégés ?

Durant cette période le Conseil d’Etat a pu juger qu’un décret ne pouvait constituer une base légale dès lors que la surveillance porte une atteinte aux libertés individuelles, lesquelles sont de la compétence du législateur.

Dorénavant la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 encadre l’usage de ces drones.

III- Surveillance généralisée par les amendes sans contact

A) Un usage illégal de la vidéo protection

En effet, des amendes sans contact ont pu être établis durant des manifestations pendant l’état d’urgence sanitaire. C’est une atteinte manifeste à la liberté de manifester.

Ce type d’infraction sort du champ d’application de l’article L.251-2 du code de la sécurité intérieure.

Pourtant ce texte fixe la liste des motifs pour lesquels les forces de l’ordre peuvent requérir la communication de ces images. Ainsi, à l’aide de ces images, les forces de l’ordre peuvent identifier un individu et le poursuivre pénalement. Une contravention pour méconnaissance du couvre feu ou du confinement ne fait pas partie de ces motifs.

B) La raison d’Etat comme justification illégitime

Pourquoi procéder ainsi ?

Tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser disait Montesquieu.

La raison d’Etat conduit à un contrôle généralisé de la population. Ainsi il revient aux citoyens de lutter contre cela. Une amende de 135 € aura un effet dissuasif et amènera au résultat escompter ; faire taire la contestation.

De plus, le faible montant de la contravention, comparativement aux frais d’avocat, entrainera une très faible contestation. Nous évoquions déjà cette difficulté avec le délit de non confinement.

Ainsi le résultat sera ainsi obtenu !

Ce procédé illégal est tout à fait illégitime. Une contravention sans contact, en dehors d’un texte législatif encadrant son usage, est un procédé anti démocratique.

***

Les libertés et leurs restrictions ont un caractère cyclique. A n’en pas douter nous sommes entrés dans une aire de restriction où quoi qu’on en pense, la liberté est devenue l’exception. A nous citoyens de nous réapproprier nos droits afin de s’assurer que ces restrictions restent strictement nécessaires.

Autrement nous serons tous surveillés, sans nécessairement être tous protégés !

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