Les élections législatives 2024 entraîneront une cohabitation inévitable, plaçant le leader de la majorité parlementaire au poste de Premier Ministre.
En effet, en décidant de prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, Emmanuel MACRON a fait très fort. Effectivement, rien n’obligeait le Président de la République a user de l’article 12 de la Constitution. Il s’agissait d’une élection Européenne avec peu d’enjeux au niveau national.
En outre, le système parlementaire de la Vème république permet de passer outre les majorités dissidentes. De nombreux outils permettent de mettre au pas l’assemblée nationale. Ainsi on peut citer les dispositions de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
C’est pourquoi cette dissolution était aussi inattendue qu’espérait par l’opposition. Car en effet, il n’est pas sérieusement contestable qu’une autre majorité soit portée aux urnes dans les prochaines semaines.
Cette cohabitation va emporter des conséquences sur le fonctionnement de nos institutions ainsi que sur les libertés fondamentales.
Qu’est ce qu’une cohabitation ?
La cohabitation est le système politique dans lequel le parti du Président est différent de celui majoritaire à l’assemblée nationale.
Dans le contexte des élections législatives 2024, une cohabitation est plus que probable. Dans ces conditions, le système de la Vème république se retrouve totalement modifié.
En réalité, la Vème république se retrouve rétablie dans sa version originelle.
En effet, la Vème république est un régime parlementaire.
L’homme fort du système c’est en principe le Premier Ministre. Ce dernier est issu de la majorité parlementaire.
C’est pourquoi, dans un système parlementaire, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République constitue une anormalité.
Ainsi, initialement l’élection du Président de la République au suffrage universel direct n’était pas prévue. Ce n’est que sous l’impulsion du Général de Gaulle que le Président fut élu directement par les citoyens.
Dès que le Président de la République est élu directement par les citoyens, le rapport de force change. En premier lieu, le premier ministre devient un exécutant de la politique du Président. Ce dernier, contrairement au Président, ne bénéficie pas de la légitimité démocratique directe.
En second lieu, les parlementaires s’associent au Président afin de pouvoir exécuter sa politique. Ainsi, les majorités parlementaires se constituent autour du Président de la République qui est issu d’eux.
Ce changement de scrutin du Président de la République a conduit à créer des « cohabitations ».
En effet, initialement les mandats présidentiels et législatifs étaient d’une durée différente. Pour rappel, le mandat présidentiel était de 7 ans. A contrario, le mandat législatif était de 5 ans. Ainsi, en cours de mandat Présidentiel, des élections législatives avaient lieu.
Pourquoi le scénario de la cohabitation est exceptionnel en 2024 ?
Depuis la réforme constitutionnelle de l’an 2000 les cohabitations avaient pu être évitées. En effet, cette réforme fait coïncider le mandat présidentiel avec le mandat législatif. Ces derniers sont d’une durée de 5 ans.
En outre, les élections Présidentielles et législatives se suivent de quelques semaines. Ainsi un Président élu bénéficie en principe d’une majorité au parlement.
Cependant, en décidant de la dissolution de l’Assemblée Nationale, Emmanuel MACRON a rompu un cycle. Il est dorénavant acquis qu’une cohabitation est inévitable suite aux élections législatives 2024.
Alors que rien ne contraignait le Président de la République a prononcer la dissolution, de nouvelles élections législatives sont organisées pour l’été 2024.
Compte tenu de l’insatisfaction globale des citoyens, les électeurs se retourneront vers d’autres partis. Le parti d’opposition majoritaire est actuellement le Rassemblement National. Logiquement, une majorité issue du RN devrait donc jaillir des urnes.
Ce scénario a nécessairement été envisagé par Emmanuel MACRON qui en a accepté le risque, quitte à sacrifier sa majorité actuelle.
Quelles conséquences emporte la cohabitation 2024 ?
Les conséquences sont les suivantes.
La réduction des pouvoirs du Président en période de cohabitation
La première conséquence de la cohabitation est celle de réduire les pouvoirs du Président de la République à ses « pouvoirs propres ». Ainsi, la politique interne relèvera en grande majorité du Premier Ministre. Le Président de la République sera renvoyé à ses missions de relations internationales. Ainsi Emmanuel MACRON restera maître de la politique internationale.
En revanche, c’est bien la politique décidée par le Premier Ministre qui devra s’appliquer.
Inutile de préciser que l’administration se doit de rester neutre et de continuer d’appliquer la loi. Ainsi, les appels à la fronde constitue une faute pouvant conduire à des sanctions.
La fin de la confusion totale des pouvoirs :
En outre, le succès d’Emmanuel MACRON avait été de faire fusionner la gauche et la droite. Il en ressortait que les contres pouvoirs comme le Conseil Constitutionnel n’était plus composée d’opposants politiques. Or, cette instance est censée être un contre pouvoir à la tyrannie de la majorité. Dans un contexte de fusion des partis traditionnels, cette opposition s’est révélée très molle.
Car, qu’est ce qui distingue un Juppé et un Fabius, originellement opposant politique ?
Contrairement à une idée reçue, la contradiction, l’opposition et le débat sont seins dans une Démocratie.
Le parti Présidentiel avait noyauté toutes les institutions et conduit à une véritable confusion des pouvoirs. Ainsi, quelque soit le parti vainqueur, il en ressortira une meilleure séparation des pouvoirs.
Quelles conséquences aura la cohabitation pour nos droits et libertés fondamentales ?
Nous rappellerons qu’un parti extrémiste se reconnait par :
- sa violation des libertés fondamentales par de simples lois ;
- son piétinnement de l’Etat de droit conduisant à faire échapper aux lois les gouvernants ;
- son intrusion sur le pouvoir judiciaire, jugeant selon des intérets politiques conjoncturels ;
Durant la crise sanitaire, tous ces méfaits ont été commis. C’est pourquoi il faut considérer qu’il existait déjà un parti d’extrême centre au pouvoir.
Dans ces conditions; le parti qui viendra gouverner la France devra respecter les règles du jeu démocratique.
Ainsi rappelons que notre société est régit par des libertés fondamentales. Ces libertés sont protégées par la Constitution et les conventions internationales.
Dans ces conditions, une majorité parlementaire ne pourrait pas seule décider de modifier nos libertés fondamentales !
En effet, pour se faire, il faudrait sortir des conventions internationales et modifier la constitution. De tels changements seraient extrêmement difficiles à mettre en œuvre. En outre, le Conseil Constitutionnel constituera une véritable opposition politique puisque composée principalement par des membres issus de l’ex majorité.
Dans un contexte de cohabitation le Conseil Constitutionnel pourra enfin jouer son rôle de gardien des libertés fondamentales !
Enfin, quelque soit la nouvelle majorité, cette dernière ne devra pas influer sur les affaires judiciaires. Ainsi, il ne devrait pas y avoir de conséquences judiciaires résultant des élections législatives 2024.
Cependant, il est possible que face à une pression exercée par le pouvoir Présidentielle sur les magistrats durant la crise sanitaire, un changement de politique conduise à des décisions plus respectueuses de l’Etat de droit.
Ainsi, si la cohabitation est inévitable suite aux élections législatives 2024, le respect de la Démocratie doit être un choix.
En conclusion, la cohabitation va conduire à rabattre les cartes du pouvoir. Les citoyens devront être vigilants pour s’assurer que leurs libertés fondamentales seront respectées.