« Ce ne sont ni les brigands ni les incendies qui détruisent le monde, mais la haine, l’hostilité, les petites intrigues » disait Anton Tchekhov, écrivain Russe du 19 ème siècle.
L’été 2022 a été marqué par son extrême chaleur. Plus de 62.000 hectares sont partis en fumés au courant de l’été, principalement en Gironde.
Au plus fort des incendies, le gouvernement a décidé de mettre en œuvre le mécanisme européen de protection civile. Ainsi, il a été fait appel à des pompiers étrangers non vaccinés pour éteindre les feux de forêts français.
Parallèlement, plusieurs milliers de pompiers sont restés suspendus en raison d’une non satisfaction à l’obligation vaccinale.
Un recours a été engagé devant le Conseil d’Etat.
I- Rupture d’égalité et discrimination exercées à l’encontre des sapeurs pompiers suspendus
A- Rupture d’égalité au détriment des sapeurs pompiers suspendus
Les sapeurs pompiers suspendus ne bénéficient plus d’une égalité devant la loi.
Le principe d’égalité trouve sa base dans les textes constitutionnels :
- Articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
- Conseil Constitutionnel 27 décembre 1973, n°73-51 DC
Il en découle deux types d’obligations : tout d’abord, l’interdiction de certaines discriminations, dont celles fondées sur l’état de santé et, ensuite, l’application uniforme de la règle de droit.
Il existe une atteinte au principe d’égalité entre les sapeurs pompiers professionnels et volontaires vaccinés et ceux non vaccinés dès lors que ces seconds sont moins bien traités que les premiers.
En effet, la vaccination n’empêche pas la contamination et la transmission de la maladie.
Cela est confirmé dans la dernière note d’alerte du conseil scientifique qui rappelle que :
- Les personnes vaccinées infectées ont des pics de charge virale du même ordre de grandeur que ceux des personnes non-vaccinées infectées, mais pour une durée plus courte (page 3)
- Les gestes barrières doivent être conservées y compris pour les personnes vaccinées (page 10
- les vaccins, bien que protégeant efficacement contre les formes graves (90%) ont une efficacité limitée vis-à-vis de l’infection par ce variant Delta (page 8)
Objectivement, cette distinction de traitement ne repose pas sur des éléments objectifs. Les personnes vaccinées restent contaminantes et la seule circonstance que cette contamination soit moins importante ne les place pas dans une situation suffisamment différente pour justifier cette distinction de traitement.
En effet, le Conseil d’État a jugé dans une ordonnance du 1er avril 2021 (n°450956) que :
« 7. Au regard de l’ensemble de ces éléments, s’il est vraisemblable, en l’état, que la vaccination assure une protection efficace des bénéficiaires, même si l’impact des évolutions de l’épidémie dues aux variants demeure incertain, les personnes vaccinées peuvent cependant demeurer porteuses du virus et ainsi contribuer à la diffusion de l’épidémie dans une mesure à ce stade difficile à quantifier, ce qui ne permet donc pas d’affirmer que seule la pratique des gestes barrières limiterait suffisamment ce risque ».
En outre, ainsi que l’a énoncé le Conseil scientifique lui-même , la vaccination n’est pas capable de réduire ou de supprimer le risque de partage viral et donc le risque de transmission du virus d’une personne vaccinée à une personne non vaccinée.
« Les personnes vaccinées infectées ont des pics de charge virale du même ordre de grandeur que ceux des personnes non vaccinées infectées (…) », Note d’alerte du Conseil scientifique COVID- 19 du 20 août 2021, p. 3
La suspension des sapeurs pompiers professionnels et volontaires ne se justifient plus scientifiquement.
B- Discrimination exercée à l’encontre des sapeurs pompiers suspendus
Le mécanisme européen de protection civile (MEPC) a été mis en place en 2001 afin de coordonner l’entraide et l’assistance entre les 34 pays participants lors de la survenance de catastrophes, il est piloté par la Commission européenne (via la DG ECHO). Il est déclenché à la demande d’un État (européen ou tiers) et le Centre européen de réaction d’urgence (Emergency response coordination centre, ERCC) organise la mise en commun des ressources (matériel, experts, équipes de terrain, modules d’intervention…) proposées par les États membres, en capacité de répondre.
La France a décidé de recourir à ce mécanisme au courant de l’été 2022 et ainsi appeler en renforts des pompiers étrangers.
Cependant, il est établi et non contesté que les pompiers allemands, polonais, grec ou autres, peuvent se rendre en France pour y exercer leur activité de pompier en étant non vaccinée contre la COVID-19 puisque que leurs états européens d’origine n’imposent pas cette vaccination, alors que des pompiers Français disponibles ne le peuvent pas !
Le juge judiciaire et le juge administratif exercent un contrôle de conventionalité des actes administratifs, et se doivent donc d’écarter les normes internes contraires à des normes de droit primaire ou de droit dérivé, et notamment d’écarter un acte contraire à une norme européenne.
Il y a discrimination à rebours, lorsque le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne se voit imposer par son droit national un traitement moins favorable que celui dont bénéficient dans cet État les ressortissants des autres États-membres bénéficiaires des règles de l’Union.
Cette théorie fut admise à l’origine par le Conseil d’État.
Conseil d’Etat 27 juillet 1979, Syndicat national des fabricants de spiritueux consommés à l’eau n°08788
Un avantage ne peut pas être accordée en raison de la seule nationalité.
Conseil d’Etat 6 octobre 2008 n°310146
A supposer que la différence de traitement repose sur un motif d’intérêt général, alors elle devrait conduire à interdire les pompiers étrangers non vaccinés d’intervenir en France et non l’inverse.
Les pompiers suspendus français sont moins bien traités que les pompiers étrangers, et ce, sans aucun motif d’intérêt général.