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Peut on légalement critiquer les chiffres de la pharmacovigilance ?

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Sommaire

« On peut discuter de tout sauf des chiffres » est un slogan publicitaire martelé durant plusieurs mois de janvier 2022 à juin 2022 pour renforcer la campagne de vaccination initiée par le gouvernement.

Peut on légalement critiquer les chiffres de la pharmacovigilance ?

A priori non !

Grand mal en a pris à l’association Réinfo Liberté et le collectif Réinfo Covid qui ont décidé de s’aventurer en zone interdite.

Le gouvernement avait clairement indiqué qu’il ne pouvait pas y avoir de débat sur ce sujet. Pourtant, les scientifiques du conseil scientifique indépendant, cellule de sachants de l’association Réinfo Liberté, ont commencé à discuter des chiffres de la vaccination.

Il ne s’agira pas de présenter le bienfondé ou non de leurs calculs. Nous en serions tout à fait incapable et là n’est pas le propos. L’objectif de cet article consiste à présenter les éléments qui ont amené Réinfo Liberté à s’immiscer dans ce débat d’intérêt général.

Eventuellement à soulever le doute là où on nous a demandé d’avoir des certitudes.

I- Un véritable débat d’intérêt général en raison des insuffisances de la pharmacovigilance :

Pour rappel, la pharmacovigilance examine les événements déclarés, survenus après une vaccination et susceptibles d’être liés à celle-ci, sans pour autant qu’un lien autre que temporel avec le vaccin ne soit forcément connu.

Deux éléments ont motivé l’Association dans sa démarche. Tout d’abord, la pharmacovigilance passive (A), ensuite, les défaillances passées de l’ANSM (B).

A) une pharmacovigilance passive critiquable :

La pharmacovigilance peut être active ou passive. Elle est passive  lorsqu’elle repose sur la notification spontanée d’évènements indésirables. Ces notifications sont faites par des professionnels de santé. Elles peuvent l’être également par l’intermédiaire des usagers.

Ainsi, ces déclarations ne sont pas systématiques. Elles reposent sur une appréciation subjective des médecins. Ces derniers sont libres ou non de faire remonter ces informations. Un risque de sous notification existe. C’est ce point que l’association dénonce.

En effet, les médecins ne sont pas formés à cela. Ces déclarations ne sont pas rémunérées et cela implique des démarches administratives supplémentaires.

Bien souvent, l’opinion public critique la campagne de Réinfo Liberté sans comprendre le contenu de leur critique. C’est un tort !

Ainsi, sans pouvoir affirmer que l’Association a raison ou non, on doit leur reconnaître la légitimité de leur débat.

De plus, ce système est imparfait comme le reconnait le rapport provisoire de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques du 9 juin 2022 (page 58 du rapport provisoire de l’OPESCT).

La critique de l’association est donc légitime.

B) Les défaillances officielles de l’ANSM :

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est un établissement public. Elle est chargée de contrôler la sécurité des médicaments tout au long de leur cycle de vie.

Les défaillances de l’ANSM ont déjà donné lieu à des condamnations pénales notamment dans l’affaire du Médiator.

Celle-ci indique sur son site que « L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) prend acte de sa condamnation par le tribunal de grande instance de Paris, dans le cadre d’une continuité juridique avec l’Afssaps. L’ANSM ne fera pas appel de cette décision».

Cette pharmacovigilance est donc insuffisante puisqu’elle n’a pas empêché certains scandales sanitaires.

Ces défaillances ne sont pas contestées ni contestables. Rappelons toutefois que la pharmacovigilance, certes imparfaite, a toutefois le mérite d’exister.

Cependant, ces éléments rappelés justifient qu’un débat d’intérêt général puisse avoir lieu. Il ne s’agit pas de savoir qui a raison mais bien de trouver la Vérité dans l’intérêt des citoyens.

II- Un recul évident de la liberté d’expression  :

Il n’est pas possible de légalement critiquer les chiffres de la pharmacovigilance.

Pourtant, traditionnellement le juge administratif protège bien la liberté d’expression (A). En l’espèce, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n’a pas suivie cette voie (B).

A) Une protection traditionnellement libérale de la liberté d’expression :

Les dernières atteintes médiatiques à la liberté d’expression remontent à l’interdiction des spectacles de l’humoriste controversé « Dieudonné ».

A cette époque le Conseil d’Etat avait jugé que « Considérant que l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; qu’il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion ; que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées ; ».

Cette jurisprudence s’installer dans la continuité d’une conception libérale de la société.

Le principe est la liberté, la restriction est l’exception.

Le Conseil d’Etat, dans le cadre de cette affaire était assez exigeant avec les autorités administratives. Il ne suffisait pas d’invoquer les condamnations de l’humoriste ou le fait que des propos antisémites pouvaient être tenus.

Il fallait démontrer qu’un trouble à l’ordre public pouvait avoir lieu et que la mesure prise était la seule pouvant l’éviter.

Dans ces affaires, aucune preuve d’un trouble à l’ordre public n’était rapportée.

L’arrêté du 26 aout 2022 du Préfet de la Haute Garonne ne rapportait pas davantage cette preuve.

B) Une censure habituelle de la liberté d’expression en période de crise sanitaire :

La fin justifie t’elle tous les moyens ?

Sans audience, par une ordonnance de référé le recours a été rejeté le 5 septembre 2022.

  1. une absence audience malgré l’atteinte portée à la liberté d’expression :

L’atteinte portée à la liberté d’expression aurait du conduire à reconnaître la condition d’urgence. Cette condition est indispensable pour que le référé soit accepté.

En refusant d’audiencer cette affaire, le juge des référés a estimé qu’aucune des conditions du référé n’étaient remplies. Il a ainsi rejeté l’affaire « au tri » comme l’autorise les dispositions de l’article L.522-3 du code de justice administrative.

Cela est dommageable compte tenu de l’enjeu du dossier. Il s’agit tout de même d’une atteinte portée à la liberté d’expression. Elle dépassait largement la représentation d’un humoriste et s’inscrivait dans un débat d’intérêt général d’un enjeu plus élevé.

Surtout, l’interdiction prononcée par le préfet dépasse largement l’enjeu des deux affiches diffusées à Toulouse. Par cette interdiction qui acceptera de diffuser la parole de cette Association ?

C’est un dangereux précédent qui dépassera largement cette affaire.

2. une absence d’audience conduisant à une mauvaise compréhension du dossier

Le juge des référés considère que l’urgence n’existe pas dès lors que la campagne de communication devait se terminer le 29 aout 2022.

C’est une mauvaise compréhension de l’affaire.

En effet, plusieurs pièces du dossier démontraient que la campagne devait durer 3 mois. Pis encore, il était démontré qu’une demande de prolongation de la campagne pour l’un des panneaux publicitaire avait été sollicitée, et refusée par l’afficheur suite à l’arrêté.

Un débat contradictoire aurait pu éviter cette erreur de fait commise par le juge.

III – Touche pas à la liberté d’expression de Réinfo Liberté :

Un recours en cassation sera déposé à l’encontre de cette ordonnance. Il doit être possible de critiquer les chiffres des effets secondaires de la vaccination. La pharmacovigilance est imparfaite. Elle doit pouvoir être critiquée dans un but de débat d’intérêt général.

Deux moyens sont soulevés dans ce recours.

Le premier moyen est relatif à la dénaturation des pièces du dossier. Le juge des référés a mal interprété les pièces versées. Cette erreur est préjudiciable. En effet, c’est cette mauvaise compréhension qui a conduit à ne pas reconnaitre la condition d’urgence.

Le second moyen est relatif à l’erreur de droit. Alors qu’aucun délit pénal n’a été commis, le juge considère que le préfet pouvait prendre cet arrêté en vue de lutter contre la propagation de fausses nouvelles.

Cette solution est contraire t à la position du Conseil d’Etat de 2015.

Le juge, en refusant d’ouvrir l’audience, n’a pas permis à la préfecture de s’expliquer sur les atteintes qui auraient été portées à l’ordre public. Cette atteinte doit être démontrée et non présumée. Or, aucun élément ne permet d’établir qu’une atteinte existerait.

Le juge se cantonne ici de justifier la proportionnalité de la mesure mais omet totalement les deux autres conditions cumulatives : la nécessité et la justification.

C’est un recul clair et évident de la liberté d’expression.

Reconnaître que l’Association Réinfo Liberté pourrait désinciter la population à la vaccination revient à lui accorder un pouvoir qu’elle n’a pas. Après tout, ne s’agit il pas seulement d’une association anti vax et complotiste ?

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas grand chose à attendre du Conseil d’Etat. En revanche, c’est un passage nécessaire pour saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Pour cette dernière, une chose est sure, c’est une atteinte à la liberté d’expression (voir notre article).

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