Le juge administratif a annulé une décision de suspension prononcée à l’encontre d’un agent exerçant ses fonctions exclusivement en télétravail. Ainsi pas de suspension pour les soignants en télétravail.
Cette décision ouvre un droit à indemnisation à tous ceux qui ont été suspendus alors qu’ils étaient en télétravail.
Cette indemnisation est justifiée par la pragmatique et bienvenue décision rendue par le tribunal administratif de Strasbourg le 23 février 2024.
Pourtant cette décision ne va pas de soi ! En effet, dès le 2 mars 2022, le Conseil d’Etat avait jugé que l’obligation vaccinale s’appliquait à tout agent, quelle que soit ses fonctions ou le lieu d’exécution de son emploi.
En l’espèce, sans remettre en cause ce principe, particulièrement injuste, il en apporte une exception bienvenue.
Le respect du droit à la vie privée et familiale de l’agent exclusivement en télétravail:
Rappelons que l’obligation vaccinale est une atteinte au droit à la vie privée et familiale.
En effet, cet acte médical emporte une atteinte à l’intégrité physique. En conséquence il doit pouvoir être librement consenti. C’est la raison pour laquelle la Cour Européenne des Droits de l’Homme l’encadre rigoureusement.
L’exclusion d’une suspension sans rémunération justifiée par une application raisonnée de la loi du 5 aout 2021
Egalement, la Cour Européenne considère qu’une restriction de liberté doit être strictement limitée à ce qui est nécessaire.
En effet, la Cour évoque « un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ».
C’est pourquoi, nous pouvons nous interroger sur la position du Conseil d’Etat. En effet, ce dernier indique que la loi ne distingue pas selon la nature des fonctions et des lieux d’exécution des missions. Or, le Conseil d’Etat aurait tout à fait pu distinguer. Plusieurs raisons justifient cette affirmation.
Tout d’abord, la loi étant générale et impersonnelle, il revient à la jurisprudence de l’appliquer à un cas concret. Rien n’empêchait de procéder à une telle application raisonnée de la loi.
Ensuite, l’esprit des lois doit l’emporter sur la loi. En effet, l’objectif de la loi est de protéger la santé publique. Il n’est pas de vacciner à tout prix quiconque sans faire preuve de discernement.
Ainsi, la vaccination d’un agent de cuisine, travaillant dans des locaux distincts des lieux où s’exercent les missions de santé participe t’elle à la protection de la santé publique ?
Nous pouvons raisonnablement en douter dès lors que la vaccination n’empêchait ni la transmission ni la contamination.
Enfin, parce que la Cour Européenne demande toujours à ce qu’un rapport de proportionnalité soit respecté. C’est pourquoi, la vaccination sans tenir compte de la nature des fonctions ne respecte pas la position de la Cour.
En conséquence, la position du Conseil d’Etat en refusant de tenir compte de la nature des fonctions aura vocation à entrainer la condamnation de la France.
En revanche, la position du tribunal administratif apparait tout à fait conforme à la position de la Cour Européenne. Elle rejoint la décision du tribunal administratif de Paris qui avait donné gain de cause à un agent public travaillant dans des locaux distincts appartenant à une personne publique non soumise à vaccination.
Une prise en compte pragmatique du télétravail justifiant l’exclusion de toute suspension sans rémunération
Rappelons que le Conseil d’Etat avait rejeté notre question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’absence de distinction de la loi du 5 aout 2021 au regard des fonctions.
Il estimait que la question n’était pas sérieuse car nous ne pouvions pas possible de justifier de la mise en place de téléconsultations de manière durable et systématique.
Ainsi le tribunal administratif de Strasbourg juge qu’il ne peut y avoir de suspension sans rémunération à l’encontre d’un agent exclusivement en télétravail.
Ici, le juge ne s’interroge pas sur la preuve d’un caractère systématique et durable. En outre, il rappelle que l’agent était exclusivement en télétravail pour des raisons de santé. Ainsi, le juge fait preuve de pragmatisme.
L’indemnisation renforcée des agents exclusivement en télétravail :
Tout d’abord, beaucoup d’agents en télétravail ont été suspendus et n’ont pas pu bénéficier de cette solution. Cela signifie que tout est perdu ?
Au contraire, cette décision du tribunal administratif ouvre une véritable autoroute vers l’indemnisation !
En effet, si un agent en télétravail a été suspendu, alors son employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Cette jurisprudence devra être invoquée pour appuyer l’argumentaire.
Pas de suspension pour les soignants en télétravail ! Toute décision contraire constitue une faute qui devra donner lieu à indemnisation.
Toutefois, attention, car seuls ceux qui demandent la réparation de leur préjudice avant le 1er janvier 2025 pourront être indemnisés.