« Je suis Charlie », fut le symbole de ce que la liberté d’expression, même lorsqu’elle peut paraitre choquante ou offensante, devait être préservée coûte que coûte.
Il est bien loin ce temps au regard des pressions exercées à l’encontre de l’Association Réinfo Liberté et du Collectif Réinfo Covid. Exit la liberté d’expression !
Suite à leur campagne de communication sur les effets secondaires de la vaccination contre la covid-19, l’Etat a réagit.
C’est dans ce contexte que le Préfet de la Haute Garonne a décidé par un arrêté du 26 aout 2022 de mettre fin à la campagne publicitaire initiée par Réinfo Liberté sur le territoire de la Commune de Toulouse.
Le juge a rejeté par une ordonnance du 5 septembre 2022 le référé de l’association. Cette décision interdit de pouvoir légalement critiquer les chiffres de la pharmacovigilance (voir notre article).
Ce rejet intervient sans audience, au motif d’une absence d’urgence. Le recours en annulation est toujours en cours d’instruction.
Revenons sur les enjeux de cette affaire.
I- Une campagne de communication conforme à la liberté d’expression :
La campagne de publicité engagée par Réinfo Liberté a été interdite par le préfet de la Haute Garonne. Le juge des référés a rejeté leur recours.
Pourtant la Constitution protège la liberté d’expression à travers son article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen. Cette liberté est également protégée par la Convention Européenne des Droits de l’homme par son article 10.
La Cour EDH considère que a liberté d’expression constitue l’un des fondements d’une société démocratique. C’est une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun.
Ainsi, la liberté d’expression joue non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ; ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ».
La Cour attribue un niveau élevé de protection à la liberté d’expression. Surtout lorsque le discours litigieux a pour motif la discussion de questions relatives à la protection de la santé. Dans ces cas, la Cour qualifie le discours comme relevant d’un débat d’intérêt général.
La Cour estime que la marge d’appréciation des Etats est particulièrement restreinte dès lors qu’il s’agit d’un débat public d’une extrême importance.
L’association Réinfo Liberté s’inscrit dans ce cadre.
II- Une campagne de communication censurée par les pouvoirs publics :
La motivation du Préfet de la haute Garonne reposait sur deux motifs.
A) la prétendue diffusion de fausses informations:
Le premier motif invoqué par le préfet reposait sur la circonstance que l’infraction de « diffusion de fausses nouvelles ». Le procureur de la république s’est trouvé saisi par le préfet de cette question.
L’arrêté intervient donc en vue d’éviter la commission d’une prétendue infraction.
A ce jour, l’Association n’a jamais fait l’objet d’aucune condamnation. Pis encore, aucune poursuite n’a été engagée à son encontre sur ces motifs.
On peut donc légitimement penser qu’aucune infraction n’a été commise. Le contraire reviendrait à méconnaître la présomption d’innocence.
B) La prétendue atteinte à l’ordre public :
Le second motif reposait sur la protection de l’ordre public. Notamment, est invoqué la désincitation à la vaccination la population générale. Ces chiffres pourraient faire évoluer la position des individus souhaitant être vacciné.
Rappelons toutefois que cette campagne n’avait pas ému grand monde avant que la presse nationale s’en empare. L’Association porte ces questions depuis de nombreux mois. Prétendre que l’Association pourrait créer un trouble à l’ordre public revient à lui accorder un crédit qu’elle n’a pas.
Ainsi, en dehors de tout contrôle juridictionnel, il a été mis fin à la campagne publicitaire de Réinfo Liberté.
En principe, la liberté d’expression n’appelle d’ingérence qu’a posteriori. C’est donc après l’usage de cette liberté qu’un juge pénal regardera au regard de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 s’il y a eu un abus.
Il ne revient donc pas au préfet de restreindre cette liberté en dehors du cadre juridictionnel.
On peut donc se demander s’il est encore possible de légalement contester les chiffres de la pharmacovigilance. Ne serions nous plus Charlie ?