La demande indemnitaire préalable auprès de l’administration est indispensable pour quiconque espère obtenir réparation de ses préjudices.
Le contentieux administratif est un droit méconnu tant par les justiciables que par de nombreux confrères.
Cependant, mal maitrisée, une demande indemnitaire préalable peut se retourner contre son auteur. En effet, même si le code de justice administrative ne fixe aucune condition de formes, en réalité c’est un mensonge. En outre le décret JADE a revisité la règle de liaison du contentieux. Cependant, il reste toujours possible de régulariser en cours de procédure l’absence de demande indemnitaire préalable.
En outre, la demande indemnitaire préalable obéit à des règles de formes et de fonds !
Connaître ces règles c’est optimiser ses chances de succès face à une administration qui doit vous indemniser.
Quand faire une demande indemnitaire préalable ?
La demande indemnitaire préalable doit mettre en mesure l’administration d’accepter ou rejeter votre demande avant de saisir le juge.
Pour rappel, l’article R.421-1 du code de justice administrative pose la règle de la liaison du contentieux. Cette règle énonce le principe selon lequel, le juge est toujours saisi de la contestation d’une décision. Si vous demandez l’indemnisation d’un préjudice, vous devez le faire en premier lieu. Cette demande doit être faite avant de saisir le tribunal administratif.
C’est pourquoi elle est préalable. En réalité, il existe une tolérance puisqu’elle peut être réalisée au même moment que la saisine du juge voire même postérieurement.
En effet, à l’occasion de l’application du Décret JADE du 2 novembre 2016, le Conseil d’Etat a rappelé que l’existence d’une demande indemnitaire préalable s’apprécie à la date à laquelle le juge rend sa décision. Ainsi, en l’absence de réclamation indemnitaire préalable, il vous ait toujours possible de régulariser en cours de procédure.
En d’autres termes si vous saisissez le juge précocement, il vous ait possible de le faire en cours de procédure voire en même temps. Si le juge vous rejette immédiatement, il vous suffira d’attendre qu’une décision administrative de rejet exprès ou implicite naisse pour saisir de nouveau le juge.
En conclusion, la liaison du contentieux, c’est à dire faire naître une décision administrative, est une condition de recevabilité.
Comment faire une demande indemnitaire préalable ?
Le droit public fait primer l’efficacité sur le formalisme. Cependant, il existe quelques règles de formes et de fonds à respecter.
Une demande indemnitaire préalable constitue une demande écrite par laquelle vous demandez l’indemnisation de votre préjudice auprès de l’administration. C’est une condition de recevabilité de votre recours devant le juge. Ces règles ne concernent pas le recours pour excès de pouvoir.
En pratique il s’agit d’un courrier recommandé. Nous vous invitons à toujours conserver copie de ce courrier. En effet, c’est au requérant de prouver qu’il a satisfait à cette règle de recevabilité.
L’accusé de dépôt de la poste fait foi et constitue la date à laquelle l’administration sera considérée comme officiellement saisie (article L.112-1 du code des relations entre le public et l’administration).
Le code de justice administrative ne fixe aucun formalisme. Mais c’est en réalité une erreur de penser qu’il ne faille pas se conformer à quelques recommandations.
Les conditions de formes :
La demande doit être écrite et présenter les faits. Vous devez l‘adresser à l’autorité administrative que vous estimez responsable de votre préjudice. S’il ne s’agit pas de la bonne administration, celle ci à l’obligation de transmettre à l’autorité compétente (article L.114-2 du code des relations entre le public et l’administration).
La demande doit être chiffrée ou chiffrable avec certitude selon un texte. Attention, vous ne pouvez pas demander plus que la somme fixée dans votre demande indemnitaire. Vous serez tenu par le montant sollicité.
- Conseil d’Etat 21 juin 2021 Commune de Montigny lès Metz n°437744
Il est donc conseillé de demander un peu plus que les sommes réellement dues par soucis de respect de la règle procédurale.
Les conditions de fonds
C’est la jurisprudence qui fixe les conditions de fonds. En apparence extrêmement simple, une demande indemnitaire préalable est bien plus complexe qu’on ne le pense.
La ventilation des préjudices :
Tout d’abord, lorsque vous demandez l’indemnisation de vos préjudices, vous devez procéder à leur « ventilation ».
La ventilation des préjudices consiste à distinguer et évaluer séparément les différents types de préjudices subis par une personne, afin de permettre une indemnisation précise et juste. Cette distinction est essentielle pour que chaque type de préjudice soit correctement pris en compte et indemnisé de manière appropriée.
La désignation des chefs de préjudices :
La jurisprudence administrative parle de « chef de préjudice ». Chaque chef de préjudice correspond à un type particulier de dommage subi par la victime. Il peut s’agir d’un préjudice matériel, d’un préjudice moral ou encore corporel ou économique.
Il faut donc les nommer, et définir ce que chacun d’entre eux comprend. Les textes et la jurisprudence ne fixent pas de liste. Naturellement on retrouvera les classiques, préjudice moral, préjudice financier. Mais il est également possible de définir des préjudices exceptionnels qui correspondraient à une réalité applicable à une victime.
Le fait générateur :
En droit administratif, le fait générateur est un concept clé qui désigne l’événement ou l’acte à l’origine d’un dommage ou d’une obligation. Il est essentiel pour déterminer la responsabilité et les conséquences juridiques qui en découlent.
Par exemple, pour les soignants suspendus, le fait générateur est la loi du 5 aout 2021.
Le fondement de responsabilité
Le requérant doit invoquer dans le délai de recours contentieux, les causes juridiques sur laquelle il entend obtenir la condamnation de l’administration. En droit de la responsabilité, elles sont deux : la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute.
- Conseil d’Etat 20 février 1953 Société Intercopie
Une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d’une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable.
- Conseil d’Etat 19 février 2021 n°439366 Avis ,
En conclusion, plus on est précis dans la demande et moins la recevabilité du recours sera discutable.
Soignants suspendus retrouvez notre modèle à télécharger :
Quel est le délai pour introduire une demande en justice ?
Vous avez un délai de 2 mois pour saisir le juge à la suite du rejet de votre demande indemnitaire préalable auprès de l’administration.
En effet la réponse de l’administration est soit l’acceptation, partielle ou totale, soit le rejet.
Le silence gardé par l’administration pendant plus de deux mois vaut rejet. C’est ce que l’on appelle une décision implicite de rejet. Pour prouver l’existence d’une décision qui n’existe pas matériellement (le silence), il faut produire la copie du courrier recommandé ainsi que l’accusé de dépôt et de réception.
En principe, le délai de recours contentieux est de deux mois (article R.421-1 du CJA). Ce délai est opposable à condition que les délais et voies de recours aient été notifiés (article R.421-5 du CJA). En l’absence de notification, il existe un délai raisonnable d’une année. Ce délai d’un an peut être plus long en cas de circonstances particulières.
- Conseil d’Etat 13 juillet 2016 n°387763 ;
En cas de dépassement du délai, il s’agit d’une forclusion.
Quelle est la différence entre la forclusion et la prescription d’une demande indemnitaire préalable ?
Le requérant est forclos lorsqu’il dépasse le délai de recours contentieux.
La forclusion rend irrecevable son recours. En matière indemnitaire, la forclusion n’est pas dramatique. En réalité, c’est la règle de la prescription qui est la plus importante.
Rappelons que la prescription est une règle de fond qui éteint l’obligation.
La forclusion est une règle de droit procédural qui empêche l’action en justice en la rendant irrecevable.
La forclusion n’a de sens que si le recours porte à l’encontre d’une décision. Lorsque l’on recherche l’indemnisation, la prescription constitue le délai pour former sa demande.
Ainsi, il est possible de solliciter plusieurs demandes indemnitaires préalables tout au long de la période de prescription. Le délai de prescription est de 4 années. En cas de forclusion, vous pouvez solliciter une nouvelle demande.
En revanche si la prescription est acquise, alors c’est définitivement terminé !