Le Conseil d’Etat a définit le pluralisme des médias et inviter l’ARCOM a réexaminer le respect par C NEWS du pluralisme des médias.
Ainsi, contrairement à ce que l’on peut lire, 13 février 2024 le Conseil d’Etat n’a pas dit que C NEWS ne respectait pas le pluralisme des médias.
dorénavant, le pluralisme des médias s’apprécie de manière globale, externe et interne.
Interne, car le pluralisme s’apprécie à l’égard de « l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités« .
Externe, car il convient de regarder « l’ensemble des conditions de fonctionnement d’une chaîne et des caractéristiques de sa programmation« .
QUE REPROCHE REPORTERS SANS FRONTIÈRES À C NEWS ?
Reporters sans frontière reprochait à l’éditeur de la chaîne d’information C NEWS de ne pas respecter plusieurs principes. Notamment, étaient visés les principes d’honnêteté de l’information, de pluralisme et d’indépendance de l’information.
C’est dans ce cadre que l’ARCOM, l’autorité chargée de faire respecter ces principes aux chaines d’informations, a été saisie. Ainsi, Reporters sans Frontières demandait à ce qu’il soit enjoint à C NEWS de respecter ces principes. En effet, l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 permet à l’ARCOM de prononcer des mises en demeure.
Il s’agit d’une première étape. Ainsi, en cas de méconnaissance de la mise en demeure, l’ARCOM dispose d’une palette de pouvoir bien plus contraignant. Ces pouvoirs pouvent aller jusqu’à l’interdiction de diffusion.
Ainsi l’ARCOM a rejeté la demande de Reporters Sans Frontières.
Cette décision de rejet a été contestée devant le Conseil d’Etat.
QUE DIT LE CONSEIL D’ETAT VIS À VIS DU RESPECT PAR C NEWS DU PLURALISME DE L’INFORMATION ?
La nouveauté de cette décision du 13 février 2024 est de passer d’une appréciation stricte (A) à une appréciation large du pluralisme des médias (B).
A) UNE APPRÉCIATION INITIALEMENT STRICTE DU PLURALISME DES MÉDIAS
Tout d’abord, le Conseil d’Etat va élargir la notion de pluralisme des médias. En effet traditionnellement, le CSA devenu l’ARCOM, appréciait le respect du pluralisme « au seul regard du temps d’antenne accordé aux personnalités politiques« .
Cette appréciation résultait d’une délibération du 22 novembre 2017 dans lequel le pluralisme des médias s’entendait du seul temps pendant lequel une personnalité politique s’exprime.
Dorénavant, le Conseil d’Etat remet en cause cette définition, et demande à ce que l’ARCOM apprécie ce pluralisme une appréciation large.
B) UNE NOUVELLE APPRÉCIATION LARGE DU PLURALISME DES MÉDIAS :
Tout d’abord, c’est la grande nouveauté de cette décision. Le Conseil d’Etat demande d’apprécier le pluralisme de manière large.
Précisément en « prenant en compte, dans l’ensemble de leur programmation, la diversité des courants de pensée et d’opinion exprimés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés ».
Ainsi, la décision ne condamne pas C NEWS mais demande à l’ARCOM de procéder à une nouvelle analyse des manquements reprochés à C NEWS.
L’APPRÉCIATION LARGE DU PLURALISME DES MÉDIAS PORTE T’ELLE ATTEINTE À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ?
La liberté d’expression est protégée au niveau constitutionnel et des conventions internationales. Notre confrère Arnaud DIMEGLIO indique que la position du Conseil d’Etat pourrait ne pas être conforme à la position de la Cour EDH.
En effet, une conception aussi large du pluralisme des médias peut être attentatoire à la liberté d’expression (A). Toutefois, ce pluralisme renouvelé apparait dans une certaine mesure protecteur de cette même liberté (B).
A) Une atteinte possible à la liberté d’expression :
Concrètement, elle peut conduire ce dernier à devoir remettre en cause profondément son fonctionnement. Cette conception conduira à déterminer les opinions politiques de tous les intervenants.
Cela revient donc à effectuer un « fichage des personnes » en fonction de leurs opinions politiques connus ou supposés comme l’indiquait à juste titre notre confrère Pierre GENTILLET.
En outre, il n’est pas non plus certain que la loi de 1986 ait prévue elle même une telle conception. En effet, elle est taisante sur le sujet alors qu’une telle obligation sera difficile à respecter en pratique. Surtout, la méconnaissance de ces obligations peut avoir des conséquences redoutables.
Dans le silence de la loi, une telle imprécision est source d’insécurité juridique.
Enfin, de telles obligations, difficiles à respecter peuvent conduire une chaîne à renoncer à une ligne éditoriale et à prendre des positions moins clivantes.
Enfin, de telles obligations pourraient d’une manière insidieuse faire taire toute opposition.
B) Un pluralisme concrètement protecteur de la liberté d’expression:
Tout d’abord, il existait déjà un fichage informel des invités, chroniqueurs et intervenants, lesquels s’exprimaient sur des sujets politiques. En outre, rares étaient les invités non politisés.
En outre, ce pluralisme concerne l’ensemble des médias. A une époque où à l’unisson, tous les médias ont tenu un discours conforme au discours politique, ce pluralisme est bienvenu. En effet, selon Me PRIGENT, ce pluralisme renouvelé aura plus d’impact sur les chaînes d’informations pro gouvernementales. Ces dernières devraient se retrouver contraintes d’inviter des personnalités clivantes, voire ne partageant pas leurs opinions.
Car en effet, la liberté d’expression, notamment des courants minoritaires ou d’opposition, ne constitue pas un privilège accordé selon son bon vouloir par le parti majoritaire.
Enfin, le respect du pluralisme par TOUS les médias dépendra aussi des saisines de l’ARCOM par les citoyens.
En conclusion, seule la pratique pourra nous indiquer si ce pluralisme renouvelé des médias sera protecteur ou destructeur.