Le régime juridique de la société en formation
Une société en formation est une société qui n’a pas encore acquis la personnalité morale. Pour rappel, la personnalité morale correspond à l’obtention de la personnalité juridique pour ce groupement de personnes ayant un intérêt commun, c’est-à-dire la faculté d’être titulaire de droit et de devoirs.
L’acquisition de la personnalité morale est matérialisée par une étape fondamentale : l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Dès lors, on dit que la société est en formation pendant toute la période où elle n’est pas immatriculée, mais que celle-ci à néanmoins une certaine consistance juridique.
La période de formation est régie par les articles 1843 du Code civil et L.210-6 du Code de commerce.
La période de formation
A partir de quel moment peut-on dire qu’une « société est en formation » ?
Il n’y a pas de définition à proprement parler. Pour identifier le commencement de la période de formation, il est nécessaire d’identifier la volonté de créer une société de la part des fondateurs, notamment par les actes accomplis. Il doit en effet s’agir d’actes essentiels pour la préparation de l’activité.
Par exemple, de simples pourparlers concernant la constitution d’une société n’engagent pas les parties.
La signature des statuts apparaît comme l’élément fondateur de cette volonté mais cette période peut avoir commencé antérieurement, notamment via l’ouverture d’un compte bancaire au nom de la société aux fins de constater la libération des apports par les associés.
L’identification des actes préparatoires est d’une importance capitale puisqu’il permet de distinguer la société en formation de la société créée de fait.
Une société créée de fait présente l’ensemble des caractéristiques d’une société sans pour autant être immatriculée.
Généralement, la société créée de fait se distingue de la société en formation par la longitude de la période précédant l’immatriculation.
Comment se concrétise le fonctionnement de la société pendant sa période de formation ?
Jusqu’au moment de l’immatriculation de la société, celle-ci est régie principalement par le contrat de société et le droit commun du droit des contrats au niveau des rapports entre associé (Article 1842 du Code civil, alinéa 2)
Dès lors, toute rupture unilatérale du contrat de société, contrat défini à l’article 1832 du Code civil comme « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. » peut être sanctionnée si elle est abusive.
Rappelons à ce titre que les statuts dirigent le fonctionnement de la société à compter de son immatriculation et non de manière antérieure à celle-ci.
A l’égard des personnes extérieures à la société, les personnes qui ont agi au nom et pour le compte de la société en formation sont en principe solidairement et indéfiniment responsables ainsi que les futurs associés ayant donné mandat pour l’accomplissement desdits actes.
Le mécanisme de reprise des actes par la société immatriculée
Lorsque la société est immatriculée, elle peut procéder à la reprise des actes effectués par les futurs associés au cours de la période de formation. Ceux-ci sont alors réputés avoir été effectués par la société rétroactivement dès leur origine.
Le principe est le suivant : Aucune possibilité de reprise autre que celles décrites par la loi.
- Cour de cassation, Première chambre civile, 26 avril 2000, n°98-10.917 ;
Il existe trois procédures de reprises :
Le mandat
Pour rappel, le mandat est l’acte par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de faire pour son nom un ou plusieurs actes juridiques au mandataire.
Les associés choisissent ou non de détailler la liste des actes à accomplir dans le mandat. En principe et sous condition du respect des modalités édictées par le décret n°78-704 du 03 juillet 1978, la signature des statuts emporte reprise automatique des engagements.
La reprise par l’état des actes
L’ensemble des actes repris lors de la signature des statuts sont inscrits au sein d’un état des actes, généralement annexé au statut.
La signature des statuts entraîne donc la reprise des actes inscrit au sein dudit état dès l’immatriculation.
La reprise par décision des associés
Une fois la société immatriculée, les associés peuvent par décision prise à la majorité, reprendre les actes effectués lors de la période de formation.
Attention : la reprise des actes doit être explicite.
- Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 décembre 2011, n°11-10.699 ;
Une fois l’acte repris, la société est tenue responsable et les personnes ayant agi en son nom sont déchargées de la dette.
En revanche, il n’existe aucune solidarité entre la société immatriculée et les personnes l’ayant engagée pendant sa période de formation.
- Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mai 1991, n°90-12.217 ;
Le rappel de l’importance du formalisme des actes de la société en formation par les juges
La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 octobre 2022 est revenue sur la période de formation et sur ses conséquences.
En l’espèce, une société en formation a conclu une promesse synallagmatique de vente, appelé usuellement « compromis de vente » par acte notarié le 19 octobre 2017.
La société civile immobilière sera ensuite immatriculée le 14 décembre 2017.
Le compromis de vente n’ayant pas été réitéré, la société civile immobilière a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur un bien appartenant à l’acheteur.
Le vendeur a demandé la mainlevée de cette hypothèque arguant que la promesse synallagmatique de vente était nulle du fait de l’absence de personnalité juridique de la société, en formation lors de la conclusion de ladite promesse.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné la main levée de l’hypothèque judiciaire. En effet celle-ci a estimé que le signataire d’un acte d’une société en formation devait apparaître explicitement comme agissant pour le nom et le compte d’une société en formation et non pas au nom de la société sans en préciser son statut temporaire.
Cette position est confirmée par la Cour de cassation estimant que si les statuts de la société donnaient effectivement mandat audit signataire, « il aurait fallu qu’il intervînt expressément en cette qualité à l’acte et que, à défaut, la promesse avait été conclue par la société agissant pour elle-même, alors qu’avant son immatriculation elle était dépourvue de personnalité juridique. »
Cet arrêt confirme la rigidité du processus d’accomplissement des actes juridiques conclus par une société en formation.
Conclusion : En cours de période de formation mieux vaut avoir le souci du détail.