Les soignants suspendus pour défaut de satisfaction à l’obligation vaccinale vont faire l’objet d’une réintégration. Cette réintégration bien que tardive est bienvenue !
La crise sanitaire contre la covid 19 a permis l’émergence de nombreux outils liberticides. Ainsi le pass sanitaire, devenu vaccinal, ou encore l’obligation vaccinale assortie d’une suspension sans rémunération en sont la parfaite illustration.
Rappelons qu’historiquement, il s’agit de la première obligation vaccinale assortie d’une suspension sans rémunération.
Après plus de 600 jours de suspension, le gouvernement envisage enfin une réintégration. Cette réintégration doit passer par l’abrogation du décret du 30 juillet 2022. Parallèlement, l’opposition a voté une loi portant sur la réintégration des soignants.
Le nombre de suspendus est annoncé comme faible. Ce serait « 0,3 % » des professionnels hospitaliers selon le site du gouvernement. Cependant la proposition de loi visant à réintégrer els soignants indique elle-même que ce calcul est partiel voire partiale.
A l’analyse de ces textes, tentons de répondre à la question de la réintégration des soignants.
I- Pourquoi une réintégration des soignants ?
A) une justification juridique fragile de la suspension sans rémunération:
Juridiquement parlant, cette mesure de suspension est très critiquable. Il s’agit d’une privation totale de revenus en vue d’obtenir par la contrainte économique le consentement d’une personne à une vaccination expérimentale. La position de la Cour EDH sur ce type d’obligation pourrait conduire à une condamnation de la France.
Sur le plan des libertés publiques c’est la négation de nos principes fondamentaux les plus essentiels, comme celui de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qui veut qu’on ne laisse pas sans revenus une personne au risque de l’exclure de la société.
B) un isolement politique fort de la suspension sans rémunération:
Politiquement, la France était isolée sur ce type de mesure. L’exception française s’est révélée ici particulièrement attentatoire. Aujourd’hui la France était le dernier état à maintenir cette obligation.
Surtout, au sein même des partis politiques, le mouvement renaissance restait le seul parti à approuver ces mesures. La seule possibilité que la minorité ait pu adopter un texte visant à prononcer la réintégration des soignants suffit à démontrer l’isolement politique de la mesure.
C) une justification scientifique inexistante de la suspension sans rémunération :
Scientifiquement parlant, sa justification a toujours été discutée. Il n’est pas sérieusement discutable que la vaccination n’empêchait ni la transmission ni la contamination. Seule une discussion sur sa capacité à éviter les formes graves subsistaient. Ainsi la gravité de la mesure de suspension était discutable.
En effet, alors que les restrictions de libertés sont massives, il doit être attendu en retour une efficacité toute aussi importante.
Enfin, Le 20 février 2023 dans un projet d’avis rendu public par la Haute Autorité de la Santé, celle-ci a indiqué qu’elle était favorable à la levée de l’obligation contre la covid 19 .
Le 30 mars 2023, un avis définitif de la HAS préconisait la levée de l’obligation vaccinale contre la covis 19 au bénéfice de tous les soignants et assimilés.
Cette décision résultait des éléments suivants :
– Les caractéristiques de la maladie ;
– La situation épidémiologique en France ;
– La couverture vaccinale de la première dose de rappel ;
– Les données de sécurité du vaccin ;
– Les données d’efficacité sur les vaccins ;
– L’émergence de nouveaux sous variants
Malgré cet avis, à ce jour, l’obligation vaccinale n’a pas pris fin.
II- Pourquoi une réintégration des soignants suspendus par voie règlementaire ?
L’obligation vaccinale contre la covid 19 repose sur la loi du 5 aout 2021. Cette loi, pour devenir applicable concrètement, a été assortie de plusieurs décrets d’application. Le dernier en date est celui du 30 juillet 2022.
On y apprend le nombre de doses nécessaires pour bénéficier d’un schémas vaccinal complet ou encore les conditions d’obtention du certificat de rétablissement ainsi que sa durée de validité.
Abroger le décret du 30 juillet 2022, c’est ainsi mettre fin à l’application de l’obligation vaccinale tout en conservant la possibilité de l’instaurer à nouveau.
C’est ainsi que l’on voit que l’effet cliquet se manifeste. Lorsqu’une liberté est retreinte, elle ne retrouve jamais sa position initiale.
Par cette mesure, il n’est pas mis fin à l’obligation vaccinale, ses effets sont simplement suspendus. A tout moment, dès lors que le gouvernement pourrait estimer la mesure de nouveau nécessaire, il pourrait réactiver cet outil et suspendre de nouveaux des soignants récalcitrants.
III- Quelles conditions pour la réintégration des soignants suspendus ?
A ce jour, une INSTRUCTION N° DGOS/RH3/RH4/RH5/2023/63 du 02 mai 2023 fixe les conditions de la réintégration.
Cette instruction concerne les établissements de santé publics et privés.
La première remarque est la question du champ d’application de la levée de l’obligation vaccinale. Cette note ne semble pas concerner les personnes assimilées qui sont concernées par l’obligation vaccinale. Elle s’adresse uniquement aux établissements de santé et établissements sociaux et médico-sociaux.
La deuxième remarque est que cette instruction ne donne aucune date précise sur la possible réintégration des soignants. Elle indique seulement qu’elle devrait intervenir rapidement.
La troisième remarque est que la note de service exclue expressément toute indemnisation. Pis encore, elle indique que la période de suspension n’est pas un temps de travail effectif. Cette suspension retarde donc le départ à la retraite, l’acquisition des droits à congés payés ou l’avancement dans le grade et dans l’échelon.
Ainsi pour une retraite à taux plein pour les soignants suspendus ce sera 66 ans.
IV- Comment procéder à la réintégration des soignants suspendus ?
La réintégration des soignants suspendus ne sera pas simple. Cette même instruction donne le mode d’emploi pour la reprise de poste des soignants suspendus.
Tout d’abord, les employeurs sont invités à reprendre contact avec leurs agents et organiser un entretien préalable. Il s’agit de fixer avec l’agent les conditions de la reprise. L’entretien n’est toutefois pas obligatoire.
En effet, l’employeur peut directement adresser un courrier en indiquant à l’agent son affectation et la date de sa reprise.
Ainsi, l’agent ou le salarié a droit de reprendre son poste mais ce n’est pas une obligation. On peut lui proposer un poste équivalent.
Egalement, un changement d’affectation peut être organisé. Le changement n’est pas contestable s’il est justifié par l’intérêt du service.
De plus, si la personne refuse le poste proposé, c’est la procédure de droit commun concernant l’abandon de poste qui s’applique. Ainsi, si l’agent se présente mais ne fourni aucun justificatif de son absence il peut être sanctionné.
Enfin, l’instruction rappelle également que la rupture conventionnelle reste possible.
V- Le contenu du texte de loi procédant à la réintégration des soignants suspendus :
La réintégration des soignants suspendus est bienvenue. Cependant elle arrive un peu tard.
Le 4 mai 2023, l’Assemblée nationale a adopté sans modification, en première lecture, la proposition de loi par 157 voix pour, 137 contre et 2 absentions.
La proposition de loi abroge l’obligation faite aux personnels soignants, y compris les étudiants, ou en contact avec des personnes vulnérables (agents administratifs, aides à domicile, sapeurs-pompiers, ambulanciers…) de se vacciner contre le Covid-19. Elle permet, de plus, aux agents publics non-vaccinés qui seront réintégrés de conserver les droits à l’avancement qu’ils détenaient avant leur suspension.
Cette loi n’accorde aucune indemnisation. Cependant, et c’est la bonne nouvelle, elle ne l’exclue pas non plus (voir article sur indemnisation du fait d’une loi).