Le 22 décembre 2020, le conseil d’Etat a annulé la mise en bière immédiate instaurée pendant la crise sanitaire. Cette Annulation de la mise en bière immédiate pendant la crise sanitaire signifie beaucoup.
« Je n’ai pas eu le droit de revoir mon Père, alors qu’il me réclamait à cor et à cri »
Voici ce que l’on pouvait lire au sujet de la médiatique Stéphanie Bataille. Elle parla de la terrible épreuve qu’elle traversa durant le mois de mars 2020, privé de la possibilité de revoir une dernière fois un être cher.
Elle parlait au nom de toutes ces personnes, qui moins connu, n’ont pas bénéficié du même engouement médiatique, mais qui partageait avec cette dernière la même douleur.
Qu’est ce que la mise en bière immédiate ?
La mise en bière est l’opération qu’effectue les pompes funèbres en plaçant le corps d’un défunt dans son cercueil, avant sa fermeture puis la levée du corps.
Durant la crise sanitaire, la mise en bière était dite immédiate. Cela signifiait que toutes les personnes décédées se voyaient immédiatement placées dans un cercueil.
Cette pratique visait à empêcher la propagation du virus. Cependant, elle a privé de nombreuses personnes du droit de faire leur deuil.
En mars 2020, lors de la crise sanitaire, le gouvernement a décidé de mettre en place la mise en bière immédiate. Ainsi, l’article 12-5 du décret du 23 mars 2020 a instauré la mise en bière immédiate des personnes décédées durant la crise sanitaire. En outre, cette obligation était prévue jusqu’au 30 avril 2020. Ce texte a reçu application bien après cette date, grâce à des actualisations régulières.
Ainsi, les corps de personnes décédées, durant la crise sanitaire, étaient placés dans des bâches en plastique. Puis, leurs corps étaient déposés immédiatement dans des cercueils. Enfin, ces cercueils étaient fermés hermétiquement. Seuls les cercueils étaient présentés aux proches souhaitant se recueillir. Ceux qui étaient pour une cérémonie funéraire n’avait donc que peu de réconfort. Enfin, espérons que les cercueils présentés étaient bien ceux de leurs proches.
En effet, la pratique de la toilette mortuaire était interdite pour ces défunts. Dans ces conditions la mise en bière immédiate était susceptible d’entraîner l’impossibilité pour les proches de personnes décédées de voir une toute dernière fois, l’être cher perdu.
En conséquence, pendant la crise sanitaire, des milliers de français sont morts seuls, sans soins et sans adieux.
Pourquoi avoir contesté la mise en bière immédiate ?
Tout d’abord, cette pratique a privé de nombreuses personnes au droit de faire leur deuil. Ensuite, scientifiquement parlant, la pratique était déjà critiquée.
A) La privation du droit au deuil par la mise en bière immédiate:
Il n’existe pas à proprement parlé de droit au deuil. En effet, il s’agit d’un corolaire du droit à la vie privée et familiale, protégé par l’article 8 de la Convention Européenne des droits de l’homme. Ce droit bénéficie aux personnes survivantes.
Car, lorsque l’on parle de mise en bière immédiate, on parle avant tout de ceux qui n’ont jamais pu revoir leur proche. En effet, pour la personne décédée, la mise en bière immédiate n’a pas de conséquences. En revanche, pour les personnes survivantes, l’impossibilité de revoir leur proche est scandaleuse.
Ainsi, le cabinet de Maître David GUYON Avocat a été saisi par de nombreux requérants subissant ces agissements.
C’est dans ces conditions que dès mars 2020 il a été demandé, dans l’urgence par la voie du référé liberté, à ce que cette pratique cesse. Le Conseil d’Etat dans une décision du 4 avril 2020 estimait que la demande n’était pas assortie des éléments suffisants.
Ainsi il rejetait le recours estimant qu’il n’existait pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie privée et familiale, dont on peut déduire un droit à faire le deuil.
B) La critique scientifique de la mise en bière immédiate :
Dès le 24 mars 2020 le haut conseil de la santé publique invalidait cette pratique.
Il avait estimé, dans un avis, que, dans la prise en charge des personnes décédées par l’infection SARS-Cov-2, il convenait :
« de respecter la stricte observance des règles d’hygiène et de mesures de distance physique, mais aussi de respecter dans leur diversité les pratiques culturelles et sociales autour du corps d’une personne décédée, notamment en ce qui concerne la toilette rituelle du corps par les personnes désignées par les proches, ainsi que la possibilité pour ceux-ci de voir la personne décédée avant la fermeture définitive du cercueil ».
Le 30 novembre 2020, le Haut Conseil de la Santé publique confirmait sa position et rappelait que :
« En effet, si le respect des précautions standard et complémentaires et des mesures organisationnelles sont à même de maîtriser le risque infectieux, l’impossibilité de voir le corps du défunt dans un délai de 24h pourrait avoir de graves conséquences psycho-sociales sur le deuil des proches».
Fort de ces avis, les victimes de ces pratiques ont demandé l’annulation des dispositions règlementaires mettant en place la « mise en bière immédiate ». Ils ont eu gain de cause le 22 décembre 2020.
Pourtant, à l’époque, tout le monde estimait que les mesures étaient justifiées. Ainsi, preuve était rapportée que dans l’urgence des mesures disproportionnées ont été prises.
Une annulation justifiée de la mise en bière immédiate :
Le Conseil d’Etat a reconnu dans une décision du 22 décembre 2020 le caractère disproportionné de la mise en bière immédiate et l’a annulé.
Ce recours avait été médiatisé dès le mois de mars 2020 puisque l’une des personnes du collectif représentait par le cabinet David GUYON Avocat avait eu le malheur de perdre son père le 26 mars 2020.
Plusieurs conséquences sont à tirées de cette décision.
Tout d’abord, le confinement et toutes les mesures restrictives de libertés sont légales.
Ensuite, il est possible de gagner face à l’Etat y compris en période de crise sanitaire.
Egalement, l’Etat peut mal faire et ainsi prendre des mesures disproportionnées dans l’urgence. L’urgence n’est jamais bonne conseillère.
En outre, la mise en bière immédiate est un outil qui ne devrait plus être utilisé à l’avenir en cas de nouvelle crise sanitaire.
Enfin, les victimes indirectes, celles qui sont encore là, peuvent obtenir réparation du préjudice causé par l’illégalité des dispositions annulées.
Même si l’argent ne réparera jamais la douleur causée par l’impossibilité de faire son deuil, elle peut constituer un moindre réconfort en vue de retrouver une vie normale.
Le silence médiatique quant à l’annulation de la mise en bière immédiate :
Il est regrettable que cette décision, n’ait fait l’objet d’aucune médiatisation. Le Conseil d’Etat lui même n’a pas communiqué sur son site. Pourtant, une telle validation de mesures aussi liberticides aurait mérité quelques lignes.
Surtout, cette décision a conduit à une modification de la pratique de la mise en bière. Par un décret du 21 janvier 2021 le gouvernement a changé les dispositions prévoyant une mise en bière immédiate.
Malheureusement, il est détestable que la presse ait relayé cette information sous un faux jour.
En effet, mettre sur le dos de l’intervention médiatique de Stéphanie Bataille l’évolution du cadre juridique, c’est mépriser ceux qui ont été à l’initiative de ce changement. C’est mépriser ceux qui se sont battus en justice pour cela.
Egalement, c’est faire croire que « l’émotion » serait une norme supra juridique. En outre, une norme qui permettrait l’évolution du droit, occultant complètement que celle-ci passe surtout par la contestation en justice.
Quoi qu’il en soit, ces critiques ne ramèneront pas les morts auprès de leurs proches.
A défaut de pouvoir effacer la douleur ressentie, nous pourrons nous réjouir que cet état du droit ait évolué.
Qu’il s’agisse d’une personne médiatisée ou de parfait inconnu, il convient de ne pas oublier ceux qui ont disparus mais également la nécessité pour les proches d’effectuer leur deuil.
Après la mort, la vie, et avec elle tous les plaisirs qui l’accompagnent.