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Opposabilité du certificat médical à l’école

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Le cabinet SAND AVOCATS et David GUYON ont engagé un recours porté par plus de 1.000 parents. Ces derniers demandaient l’annulation de toutes les mesures ayant conduit à l’instauration de l’obligation du port du masque dans les établissements scolaires à l’égard de tous les enfants dès 6 ans.

Parallèlement ils ont sollicité la suspension de ces mesures devant le Conseil d’Etat par la voie du référé suspension (article L.521-1 du code de justice administrative). La question de la protection des libertés fondamentales des enfants étaient en jeu.

Le 1er juin 2021, le Conseil d’Etat a rejeté, sans audience, cette demande. Parmi les requérants qui soutenaient cette  démarche, un couple dans le département de l’Hérault.  Leur enfant avait été refusé d’accès par son établissement scolaire pour non port du masque. Pourtant celui-ci disposait d’un certificat médical concluant à une dispense de masque.

L’école soutenait que le certificat médical ne contenait pas la mention « situation de handicap ». Cette mention était exigée par le protocole sanitaire. Egalement, mais de manière plus officieuse, l’école soutenait qu’il s’agissait d’un certificat médical de « complaisance ».

Le Conseil d’Etat, bien que rejetant cette demande de suspension, va donner des informations utiles pour tous les parents désireux de connaître leurs droits.

I- La distinction nécessaire du juridique et du médical :

Il convient de voir la raison d’être de ce pouvoir et les difficultés rencontrées.

A) Un pouvoir d’administration certain dans son principe :

Les chefs d’établissement sont responsables du bon fonctionnement du service dont ils ont la charge. Ils détiennent ces compétences de par la loi. Ainsi les dispositions de l’article R.421-10 du code de l’éducation donne la possibilité au chef d’établissement de prendre toutes les mesures nécessaire au bon fonctionnement de son établissement.

Ils ont ainsi le droit mais également le devoir d’appliquer les lois et les règlements dans leurs établissements.

C’est à ce titre qu’ils sont dans l’obligation de mettre en place et de faire respecter les mesures sanitaires imposées par le décret du 29 octobre 2020. Ce décret a été abrogé et remplacé par le décret du 1er juin 2021.

Pour les aider dans l’application de ces règles, ils peuvent s’appuyer sur le protocole sanitaire. Rappelons que ce protocole n’a pas de force juridique mais permet de donner les bonnes règles de conduite dans l’application concrète des  mesures sanitaires (voir notre article).

Dans le cadre de l’application de ces mesures des directeurs d’établissements ont été amenés à conditionner les causes d’exemption au port du masque.

B) Un pouvoir d’administration incertain dans ses contours :

En s’appuyant sur le protocole sanitaire, les directeurs d’établissements ont soumis à des conditions de forme et de fond les certificats médicaux que peuvent apporter les usagers du service public pour obtenir un allègement des mesures sanitaires à leur égard.

En effet, une mesure restrictive de liberté n’est légale que si elle est nécessaire, justifiée et proportionnée. Elle devient disproportionnée lorsque les effets de cette mesure présentent plus d’inconvénients que d’avantages.

Ces effets  doivent toujours être appréciés in concreto. Les enfants ne sont pas tous égaux face à aux mesures sanitaires. L’adaptabilité  et la résilience nécessaire varient d’un individu à l’autre. Il existe donc des situations où objectivement le port du masque présente plus d’inconvénients que d’avantages.

Dans ces conditions, un chef d’établissement peut-il refuser un enfant dans son école pour non port du masque alors qu’il dispose d’un certificat médical concluant à une dispense ?

C’est à cette question que le Conseil d’Etat a répondu.

II- L’absence de pouvoir d’appréciation médicale de l’administration et des médecins référents :

Ce pouvoir d’administration ne donne pas une quelconque compétence médicale à ces derniers (A). Il en résulte des conséquences concrètes (B).

A) Le rappel bienvenu du Conseil d’Etat :

L’administration ne dispose d’aucune compétence dans le domaine médical.

Dans son considérant 9, le Conseil d’Etat rappelle que les médecins de l’éducation nationale ou l’administration scolaire ne sont pas habilités à remettre en cause les constatations ou indications à caractère médical portées dans un certificat médical.

Ils n’ont pas non plus la possibilité d’apprécier les éléments médicaux en lien avec une pathologie rendant l’enfant vulnérable au risque de développer une forme grave d’infection à la covid19 et susceptibles de déterminer les conditions de maintien de l’enfant en présence dans l’école ou l’établissement scolaire.

Il est clairement reconnu par le Conseil d’Etat  que la compétence médicale n’est pas du ressort de l’administration.

Plusieurs raisons expliquent cela.

La première est que les compétences médicales s’acquièrent  au cours d’un très long parcours universitaire. Ces compétences ne sont pas à la portée du personnel administratif.

La deuxième est que l’administration n’est pas tenue par le secret médical. Les administrés n’ont donc pas à révéler leur état de santé.

La troisième est que la loi ne leur donne aucune compétence à ce titre. Ils détiennent leur pouvoir de la loi dans le but du bon fonctionnement du service. En d’autres termes, chacun son métier.

Un parallèle peut être fait avec l’hospitalisation sans consentement. Dans ce type de contentieux, il y a une distinction très forte entre le juridique et le médical (voir notre article).

Cette distinction a été rappelée par le Conseil d’Etat dans la présente ordonnance.

Cette jurisprudence permet de pallier les lacunes de l’article 36 du décret du 29 octobre 2020, repris à l’identique par le décret du 1er juin 2021.

En effet, les dispositions de l’article 36 ne prévoient aucune exception au port du masque pour les élèves. C’est uniquement le protocole sanitaire qui fixe les conditions d’exemption. Or, ce protocole n’a pas de valeur juridique (voir notre article).

B) Les conséquences pratiques de cette décision :

L’administration utilise son pouvoir issu des textes pour réglementer son service. Ce n’est pas en application du protocole sanitaire qu’elle est en droit d’exiger un certificat médical mais bien en raison de son pouvoir règlementaire issu des textes.

Pour assurer le bon fonctionnement du service elle peut fixer les conditions médicales pour y accéder.

Cependant, toute décision doit rester proportionnée à l’objectif poursuivi.

Il est donc possible d’exiger un certificat médical.

Cependant, et c’est en cela que la présente décision nous intéresse, elle ne peut que constater la production ou non d’un tel certificat. Elle ne peut ni fixer le fond et la forme du certificat médical.

Dans la pratique, bon nombre de parents ont pourtant subi des rejets de leurs certificats médicaux. Les conséquences sont parfois désastreuses puisque des enfants se retrouvent soumis à des mesures qui ont été médicalement constatées comme étant nuisibles pour leur santé. Pour d’autres, ces derniers ont tout simplement été exclus de leur établissement scolaire, et ce, même lorsqu’il s’agissait de jeunes enfants.

Ce rappel, plus que nécessaire, permettra de mettre fin à ce pouvoir accaparé par l’administration et les médecins référents pour juger du caractère complaisant ou non d’un certificat médical. Ce rappel permettra également de mettre fin à une appréciation médicale que ne peut pas et ne doit pas avoir l’administration.

Exit les refus de certificats médicaux ! Exit les qualifications de « certificats de complaisance » par les directeurs d’établissement !

Place au bon sens, au discernement et à des mesures adaptées. Agir pour la santé publique est tout à fait compatible avec la mise en place d’une protection adaptée pour les enfants.