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Violation d’un contrat de licence : Concurrence et Propriété intellectuelle

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Le principe : La liberté de la concurrence

La libre concurrence renvoie à l’ensemble des règles qui viennent garantir le libre exercice des activités économiques d’une part vis-à-vis des interventions de l’Etat, qui se doivent d’être « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. » (Conseil Constitutionnel, n°2000-439, 16 janvier 2001, considérant 13)

D’autre part, la protection des concurrents contre les comportements déloyaux.

C’est en ce sens que s’est développée la théorie de la concurrence déloyale, qui par le biais de la responsabilité civile et notamment des articles 1240 et 1241 du Code Civil, vise à protéger les commerçants des actes malhonnêtes sur le marché.

François Villon disait « En grande pauvreté ne gît pas grande loyauté. »

Dès lors, les juges ont dû définir au fur et à mesure ce qui est déloyal de ce qui ne l’était pas via le mécanisme de l’action en concurrence déloyale.

Le titulaire d’une licence peut agir en contrefaçon lors de la violation du contrat

L’action en concurrence déloyale

L’action en concurrence déloyale concerne tout particulièrement les commerçants mais elle n’est aucunement réservée à ceux-ci.

En effet, l’action en concurrence déloyale est étendue aussi aux sociétés civiles, associations ainsi que les professions libérales.

Récemment, l’action en concurrence déloyale a été admise pour le Conseil national de l’ordre des médecins à l’encontre de la société Groupon France. (Cour de cassation, Première chambre civile, 12 décembre 2018, n°17-27.415)

Quelles sont les conditions pour intenter une action en concurrence déloyale ?

L’exercice de l’action en concurrence déloyale, au même titre que la responsabilité civile délictuelle suppose la démonstration :

  1. Une faute ;
  2. Un préjudice ;
  3. Un lien de causalité entre la faute et le préjudice ;

Responsabilité contractuelle fondée sur le non-respect d’une concurrence contractualisée

Il existe un principe fondamental qui est le non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles. De manière simple, il y a lieu de comprendre que lorsqu’une faute est issue d’une obligation prévue par un contrat, le demandeur ne peut se prévaloir de la responsabilité délictuelle, fondé en dehors de tout contrat.

Il en va de même en matière de concurrence.

Très souvent, les relations d’affaires imposent l’insertion au sein de différents contrats, de clauses permettant de limiter ou interdire la concurrence au sein d’un microcosme économique.

Exemple : La clause de non-concurrence venant limiter l’exercice d’une activité pouvant être concurrentiel.

L’action en contrefaçon

L’action en contrefaçon permet de sanctionner et demander la réparation en cas de violation à l’encontre d’un monopole sur un des éléments de la propriété intellectuelle.

A titre d’exemple, l’action en contrefaçon de marque doit être intentée par le propriétaire de la marque. (Article L716-5 du Code de propriété intellectuelle)

Dès lors, le propriétaire d’une marque, d’un brevet, d’une licence étant titulaire d’un droit privatif tiré de la propriété intellectuelle, l’action en contrefaçon est une action spéciale. Dès lors l’adage « specialia generalibus derogant » (le spécial déroge au général) s’applique.

Si vous êtes titulaire d’un monopole via la propriété intellectuelle, l’atteinte à votre droit privatif sera intentée via l’action en contrefaçon.

A l’inverse, l’action en concurrence déloyale sera de mise étant ici résiduelle. (J.C Roda, Mémentos Droit de la concurrence, Dalloz 2019, p. 149 )

L’avantage principal d’une telle action réside dans la démonstration de la faute. Dès lors que votre droit privatif est violé, il y a lieu de considérer que la faute est matérialisée.

Face à certains comportements déloyaux, notamment lorsque des contrats de licence sont accordés à des partenaires commerciaux ou des tiers, le doute dans l’esprit de la personne lésée peut être semé quant à la manière de faire valoir ses droits.

La Cour de cassation est venue clarifier la situation par un arrêt en date du 05 octobre 2022.

Priorité aux garanties du monopole offert par la propriété intellectuelle

Une société A a conçu un logiciel dont l’objectif était de permettre la mise en place d’un système d’authentification unique.

Les logiciels étaient diffusés sous licence libre, par laquelle l’auteur concède tout ou partie des droits que lui confère le droit d’auteur ainsi qu’en licence commerciale c’est-à-dire en contrepartie du paiement d’une contrepartie, forfaitaire ou proportionnelle suivant le contrat.

Une autre société B a, dans le cadre d’un appel d’offres de l’Etat, procédure permettant à l’Etat de choisir un prestataire afin de réaliser une mission spécifique, utilisé le logiciel préexistant afin de proposer une plateforme logicielle pour l’administration.

Estimant que l’utilisation de son logiciel était contraire aux dispositions de la licence libre et constituer donc un acte de concurrence déloyale, la société A fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société B.

Pour rappel, une saisie-contrefaçon est une demande faite par le biais d’un avocat devant le juge compétent. Si celle-ci est acceptée, l’ordonnance est transmise à un huissier. Ladite ordonnance décrit précisément la mission de l’huissier. Concrètement, cela va permettre de saisir tout document, commercial, comptable dans les locaux du contrefacteur. L’huissier est généralement accompagné d’un expert informatique aux fins de récupérer les éléments au sein de son système d’information.

A la suite de la saisie contrefaçon, la société A a assigné la société B en contrefaçon ainsi qu’en parasitisme.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 mars 2021 a condamné la société B au paiement de la somme de 150.000€.

Il ressortait du débat que conformément à certaines dispositions de la licence que la société B avait incorporé sans autorisation une partie du logiciel dans un autre programme. Les juges d’appel ont condamné ladite société sur le plan des agissements parasitaires.

La première difficulté était ici la suivante : L’intégration du logiciel sans autorisation constitue-t-il un fait distinct de la violation telle qu’elle du contrat de licence ?

Si et seulement si les faits caractérisés sont distincts, un cumul entre l’action en concurrence déloyale et l’action en contrefaçon est possible. (Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2014, n°13-11.208)

C’est ce qui a été affirmé par la Cour de cassation en l’espèce.

Il est dommageable que le raisonnement de la qualification de faits distincts reste assez obscur.

Il faut dès lors retenir que dans le cas de l’utilisation sans autorisation de tout ou partie du code source d’un logiciel, l’action en parasitisme, qui sanctionne principalement le fait de profiter du travail d’autrui sans la contrepartie financière afférente.

Le point intéressant de l’article touchait surtout à éclaircir l’articulation et la possibilité de cumul entre l’action en concurrence déloyale fondé sur les agissements parasitaires et l’action en contrefaçon tiré directement de la violation des droits de propriété intellectuelle.

La jurisprudence de la Cour Européenne est clair sur ce sujet : La violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits d’auteur dudit programme, relève de l’action spécialement prévu à ce titre, l’action en contrefaçon. (Cour de Justice de l’Union Européenne, C-666/18)

Les juges viennent ici clarifier la situation et énonce que le principe de non-cumul de responsabilité ne s’applique pas en matière d’action en contrefaçon.

Dès lors, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement prenant origine dans un contrat, l’action en contrefaçon est possible et permet au demandeur de bénéficier des garanties prévues par les articles 7 et 13 de la directive 2004/48.

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