Ventes de denrées sur les plages, coquillages et crustacés….
Contrairement à ce que pouvait chantonner Madame BARDOT, on ne trouve plus que très rarement de plages abandonnées recouvertes de coquillages et crustacés. En effet, la plage est un bien appartenant à tous et de par cette qualité, elle fait partie du domaine public. Comme tout bien, elle peut permettre la réalisation d’un certain nombre d’activités économiques.
Plus spécifiquement, la vente de denrées sur les plages a déjà fait l’objet de nombreux débats juridiques.
Au regard de la jurisprudence il a été jugé que de telles activités n’étaient pas soumises par principe à une autorisation d’occupation du domaine public et au paiement d’une redevance (A). Cependant pour des raisons d’ordre public de telles activités peuvent être réglementées par la nécessité d’obtenir une telle autorisation laquelle ne saurait donner lieu à redevance (B).
I) L’absence par principe d’obtention d’une autorisation :
En principe nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 du CGPPP (État, collectivités territoriales et leurs groupements, établissements publics) ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous (CGPPP, art. L. 2122-1). Ainsi la délivrance d’une autorisation constitue le préalable indispensable à toute occupation privative du domaine public.
Les décisions d’autorisation d’occupation privative du domaine public ne constituent pas un droit, mais une simple faculté pour l’administration qui n’est jamais tenu de les accorder. L’occupation ou l’utilisation du domaine public ne peut être que temporaire (article L. 2122-2 du CG3P). L’occupant ne peut pas se prévaloir d’un droit au renouvellement de l’autorisation unilatérale ou conventionnelle qui lui avait été consentie.
En ce sens voir arrêt du Conseil d’Etat 17 décembre 1975, n° 91873, Cour Administrative d’Appel Bordeaux 14 mars 2013, n° 11BX03091).
Qu’il soit unilatéral ou conventionnel, le titre d’occupation privative présente un caractère précaire et révocable (CGPPP, art. L. 2122-3 et R. 2122-1) : son titulaire n’a droit ni à son maintien, ni à son renouvellement. Ce sont des principes d’ordre public corolaire de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité du domaine public. Sauf dispositions législatives contraires, les autorisations d’occupation du domaine public, même délivrées sous la forme contractuelle, ont un caractère personnel et ne sont pas cessibles (Conseil d’Etat 6 nov. 1998 n° 171317 et Cour Administrative d’Appel Bordeaux 14 mars 2013, n° 11BX03091). Elle expire donc au terme du délai d’autorisation. Elle ne peut faire l’objet d’une procédure de renouvellement tacite.
Egalement le non-renouvellement du titre n’ouvre pas droit à indemnités (Conseil d’Etat 20 juillet 1990, n° 77781).
Il existe deux types d’autorisation à caractère unilatéral :
- le permis de stationnement est une autorisation donnée par l’administration d’utiliser pendant un certain temps et superficiellement une portion du domaine public.
- la permission de voirie est une autorisation d’occuper avec emprise une portion du domaine public.
On est en droit de se demander si la vente de denrées de bouche ou vente au panier sur les plages constitue une occupation privative du domaine public et plus précisément un permis de stationnement ?
En effet on peut penser que la vente de telles denrées dépasse celle du droit d’usage qui appartient à tous dès lors qu’il s’agit de tirer profit de l’exploitation du domaine public en étant présent sur une partie précise de la plage, tout au long d’une période de l’année et durant des horaires précis en journée à la recherche de clients locaux ou de passage.
Cependant comme l’a jugé récemment la Cour Administrative d’Appel de Marseille « les conditions d’occupation des plages par des vendeurs ambulants de denrées consommables n’impliquent pas un stationnement permanent sur le domaine public mais tout au plus un arrêt momentané ». En effet pour exercer son activité le vendeur ambulant déambule sur la plage, portant un panier, poussant ou tirant son chariot, à la recherche de clients potentiels qui généralement lui font signe à son passage. L’immobilisation ne durera que le temps de la transaction commerciale. Ainsi on ne peut considérer qu’il s’agisse d’une utilisation prolongée de la même portion de plage ni même une installation de quelque nature que soit.
Ainsi dans cet arrêt la Cour a considéré que « cette présence passagère qui n’est donc pas exclusive de la présence d’autres usagers du domaine public, ni incompatible avec l’affectation de celui-ci, n’est constitutive, pour cette activité, quand bien même elle est nécessaire au mode d’exercice de leur commerce, ni d’un usage privatif du domaine public, ni même d’une occupation du domaine public excédant le droit d’usage qui appartient à tous ».
- Cour Administrative d’Appel Marseille 26 juin 2015 n° 14MA00177.
En conséquence l’autorisation délivrée ne saurait se fonder sur une occupation privative du domaine public.
Ce même arrêt reconnait également comme illégal les redevances qui pourraient être perçues au titre de cette autorisation d’occupation. En conséquence l’exigence du paiement d’une quelconque redevance ne pourrait qu’être considéré comme illégale.
II) L’obtention par exception d’une autorisation d’occupation pour les activités ambulantes sur les plages :
En réalité le maire dispose de la faculté de gérer l’utilisation du domaine public maritime en raison de ses pouvoirs de police spéciale. En effet ce dernier a la compétence de la police municipale, laquelle s’exerce sous le contrôle du représentant de l’Etat dans le département, à savoir le préfet (article L.2212-1 du CGCT).
En vertu de l’article L. 2212-2 du CGCT, la police municipale « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». L’article L. 2213-23 dispose en outre que : « Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés…Le maire réglemente l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance… ».
Il résulte de ces dispositions que le maire peut dans l’exercice de ses pouvoirs de police règlementer la vente de marchandise par des commerçants ambulants en les soumettant à l’obtention d’une autorisation d’occupation du domaine public.
Ces mesures doivent permettre de remédier aux inconvénients qui pourraient résulter de ces activités notamment au regard de l’accès et de la circulation sur les plages. Il peut pour ces motifs d’ordre public limiter l’exercice de ces activités de manière spatiale et temporelle voire même limiter le nombre de marchands admis sur ces emplacements.
C’est en ce sens que la Cour Administrative d’Appel de Marseille a jugé notamment en considérant que « il est loisible à un maire de soumettre une activité au principe de l’autorisation préalable, si cette soumission s’impose pour des considérations d’ordre public et ce sans méconnaître ni le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, ni la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes ; ».
- Cour Administrative d’Appel Marseille 26 juin 2015 n° 14MA00177.
Cette règlementation ne porte pas en soi une atteinte à la liberté de commerce et d’industrie sauf à démontrer que :
- les personnes publiques apportent aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ;
- les personnes publiques prennent elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d’un intérêt public.
Toutes les restrictions à cette liberté doivent demeurer limitées. En matière de police administrative les mesures de police administrative doivent être justifiées proportionnées et adaptées.
- Conseil d’Etat 19 mai 1933 n°17413 n°17520 ;
En effet dès lors que l’exercice des pouvoirs de police administrative est susceptible d’affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l’ordre public n’exonère pas l’autorité investie de ces pouvoirs de l’obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l’industrie et les règles de la concurrence. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier la légalité de ces mesures de police en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l’ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.
- Conseil d’Etat 15 mai 2009, Sté Cie des bateaux-mouches n° 311082
Il est donc recommandé pour les vendeurs ambulants de se renseigner auprès des services de la mairie avant d’effectuer toute vente sur les plages.