Un contrat de commodat, pas si commode

« Rien de ce qui est humain n’est simple » disait Jean DORST.
Le contrat de commodat, création humaine, n’échappe pas à cette règle.
Le commodat est un contrat de droit privé par lequel une personne, le prêteur, met gratuitement à disposition d’une autre, l’emprunteur, un ou des biens afin qu’il en fasse usage. Plus précisément, l’article 1875 du code civil le défini comme le « contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servie ».
Ce type de contrat est souvent utilisé par les Communes et ce afin de favoriser les activités associatives ou agricoles sur leurs territoires. De cette manière elles mettent à disposition des biens sans faire peser une charge financière sur l’activité de l’emprunteur.
Ce contrat de commodat, aussi appelé prêt à usage, voit son régime juridique développé aux articles 1875 à 1891 du code civil. Ces dispositions n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent déroger à l’application de telle ou telle disposition.
La remise de la chose à l’emprunteur ne suppose qu’un transfert de la détention et non un transfert de propriété, ce qui n’implique pas que le préteur soit propriétaire du bien.
Si ce contrat de commodat peut s’apparenter à un contrat de bail d’habitation, il n’en est rien. Les personnes publiques ayant recours à ce type de contrat doivent donc être extrêmement prudentes dans sa mise en place.
Durant l’exécution de ce contrat, l’emprunteur a trois obligations :
- Obligation de respecter l’usage convenu :
L’emprunteur doit respecter la durée et la finalité du prêt telles que définie dans la convention.
- Obligation de conserver la chose :
L’emprunteur doit réparer les dommages occasionnés à la chose prêtée (dégradation ou perte de la chose) s’ils ont été causés par sa faute.
- Obligation de restituer la chose prêtée à l’expiration du contrat :
L’emprunteur doit restituer la chose même qu’il a reçue, et non l’équivalent. Tout manquement à cette obligation de restitution est passible de dommages et intérêts.
Le prêteur quant à lui doit assurer la jouissance tranquille de la chose prêtée par l’emprunteur et faire respecter l’usage convenu. En outre il a l’obligation de rembourser les dépenses avancées par l’emprunteur, qui constituent des dépenses extraordinaires, engagées pour la conservation de la chose et qui sont si urgentes que l’emprunteur n’a pas pu prévenir le prêteur.
Le remboursement des dépenses extraordinaires constituent toutefois une exception.
En effet, par principe l’emprunteur qui a exposé des dépenses pour l’usage de la chose ne peut espérer en obtenir l’indemnisation auprès du préteur (article 1886 du code civil).
Si la mise en place de ce contrat ne pose pas de grande difficulté, notamment par l’absence de formalisme encadrant ce dernier, en réalité, bien souvent les différends s’élèvent à l’occasion de son exécution et surtout de sa résiliation.
Lorsque le prêteur souhaite mettre fin au contrat de commodat, il convient de se référer aux dispositions de l’article 1888 du code civil qui dispose « Le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu’après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu’après qu’elle a servi à l’usage pour lequel elle a été empruntée ».
Deux hypothèses, qui seront successivement examinées, se présentent en cas de résiliation :
- En présence d’un terme :
Il convient de rappeler à titre pédagogique que le terme est un évènement futur d’un accomplissement certain dont dépend l’exigibilité ou l’extinction de l’obligation. Autrement dit, il s’agit de la date à laquelle les parties ont convenu que le contrat prendrait fin.
Il a été jugé que lorsque la durée du prêt est déterminée, l’emprunteur est tenu de restituer la chose à l’expiration du prêt sans que le prêteur ait à le mettre en demeure. Il en va de même dans le cas d’une résiliation judiciaire.
Cour de Cassation chambre Commerciale 7 décembre 1993 n°91-11.364 ;
Ainsi, si un terme a été fixé, alors il convient de faire application du contrat. Tout courrier qui serait envoyé à l’emprunteur pour lui rappeler la fin de son contrat ne constituerait pas une mise en demeure et n’aurait d’ailleurs aucune incidence juridique dès lors qu’elle ne résulte d’aucune obligation juridique. En revanche, dans la pratique, un tel courrier peut apparaître utile sur un plan relationnel et psychologique.
- En l’absence d’un terme :
En principe il résulte de la combinaison des articles 1888 et 1889 que le prêteur à usage ne peut retirer la chose prêtée qu’après le terme convenu ou, à défaut de convention, qu’après que le besoin de l’emprunteur a cessé.
Cour de Cassation 1ère chambre civile 19 novembre 1996 n°94-20.446 ;
Cependant, il existe des biens pour lequel le besoin est permanent et dont l’usage pourrait apparaître illimité. C’est le cas notamment lorsqu’il s’agit d’une mise à disposition de locaux ou de terrains agricoles.
Dans cette hypothèse, lorsque aucun terme n’a été convenu pour le prêt d’une chose d’un usage permanent, sans qu’aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d’y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable.
Cour de Cassation 1ère chambre civile 3 février 2004 n°01-00.004 ;
Il est toujours difficile d’apprécier la durée que doit avoir un préavis pour être qualifié de raisonnable, cette notion étant protéiforme.
En tout état de cause, on peut se référer au droit commercial et notamment à l’article L. 442-6-I, 5° du code de commerce qui exige un « préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
Ce délai de préavis peut être réduit si l’emprunteur ne respecte pas ses obligations.
Il convient donc de prendre en compte l’ensemble de ces éléments afin d’apprécier l’existence ou non d’un délai raisonnable.
Également, il a été jugé récemment par la Cour de Cassation que la libre disposition d’une salle pour la pratique du culte musulman relevant d’un prêt à usage qui n’avait aucun terme convenu ni prévisible, le propriétaire des lieux peut y mettre fin en respectant un délai de préavis raisonnable, sans devoir justifier d’un besoin pressant et imprévu de la chose prêtée.
Cour de Cassation 1ère chambre civile 30 septembre 2015 n°14-25.709 ;
Enfin, si l’emprunteur invoque avoir exposé des investissements pour s’opposer à la résiliation, il convient de se référer aux dispositions de l’article 1886 du code civil qui dispose que « Si, pour user de la chose, l’emprunteur a fait quelque dépense, il ne peut pas la répéter ».
Le prêteur ne sera pas obligé de l’indemniser de ses investissements, et ces derniers ne constitueront pas un motif légitime pour refuser de mettre fin au contrat.
En réalité, il apparait au regard de l’ensemble des difficultés exposés qu’une personne souhaitant mettre en place un contrat de commodat à tout intérêt à recourir aux services d’un avocat afin d’éviter de tomber dans de tels écueils et éviter une procédure judiciaire longue, coûteuse et fastidieuse.
En conclusion, le contrat de commodat, d’apparence simpliste, n’a rien de commode !