Indemnisation des passagers en cas d’annulation d’un vol
Si le trafic aérien est aujourd’hui le mode de transport le plus sûr au monde, il n’en demeure pas moins qu’il peut être source de stress pour de nombreux voyageurs.
Par ailleurs, bien que le droit n’ait aucune prise sur les désagréments météorologiques auxquels peut faire face ce mode de transport, en revanche, les institutions de la communauté Européenne, devenue Union Européenne, ont depuis 2004 cherché à résoudre les difficultés pouvant être liées à un refus d’embarquement, une annulation ou encore un retard important d’un vol.
C’est dans ces conditions qu’est intervenu le règlement européen n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol.
Ce règlement fixe le régime juridique en matière de protection des passagers partant d’un aéroport situé dans un État membre mais également aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité.
Ce règlement résulte de la volonté de prendre en compte d’une part, les difficultés sérieuses auxquelles sont exposés les passagers subissant un refus d’embarquement, une annulation ou un retard important de leur vol, d’autre part, de soumettre l’activité des transporteurs aériens à des conditions équivalentes sur un marché libéralisé.
Nous consacrerons notre analyse sur les dispositions de l’article 5 du règlement précité, lesquelles sont relatives à l’annulation de vol. Conscient de la difficulté dans laquelle les passagers peuvent se trouver, le règlement prévoit un régime juridique protecteur.
L’article 5 se présente comme suit :
« 1. En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés: a) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8; b) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, points b) et c), et c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol: i) au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ou ii) de deux semaines à sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue, ou iii) moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée. 2. Lorsque les passagers sont informés de l’annulation d’un vol, des renseignements leur sont fournis concernant d’autres transports possibles. 3. Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. 4. Il incombe au transporteur aérien effectif de prouver qu’il a informé les passagers de l’annulation d’un vol ainsi que le délai dans lequel il l’a fait ». Il convient d’analyser dans le détail cet article.
Tout d’abord, on pourra noter qu’en cas d’annulation d’un vol les passagers disposent d’un certain nombre de droits. Ces droits sont un droit au remboursement (un remboursement forfaitisé et conditionné) ou à un réacheminement à leur départ initial ou à leur destination finale conformément aux dispositions de l’article 8 du même règlement. Ils ont également droit à des rafraîchissements et des possibilités de se restaurer en suffisance compte tenu du délai d’attente (article 9 du même règlement).
Faisant preuve de pragmatisme, l’article 5 prend également en compte les difficultés concrètes que peut entrainer une annulation de vol lorsque celle-ci est supérieure à 24 H. Dans cette hypothèse, l’article 5 prévoit que les passagers dont un nouveau vol est planifié pour le jour d’après, ont le droit à la prise en charge des frais d’un hébergement pour le temps nécessaire entre l’annulation et le nouveau vol, ainsi qu’à la prise en charge du transport entre le lieu de l’hébergement et l’aéroport.
Derrière cette apparente protection, il convient d’attirer l’attention du lecteur attentif à la recherche de son droit à indemnisation. En effet, d’une part, cette indemnisation est forfaitisée, d’autre part, elle n’est pas automatique si le transporteur répond à son obligation d’information ou démontre que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires.
L’article 7 dudit règlement fixe forfaitairement le montant de l’indemnisation à laquelle peut prétendre un passager ayant vu son vol annulé.
L’indemnisation est fixée à 250 € pour un vol de moins de 1500 km ; de 400 € pour un vol compris entre 1500 et 3500 km ; de 600 € pour les autres vols.
Toutefois, cette indemnisation peut être écartée si le transporteur aérien répond à une obligation d’information.
Tout d’abord, cette information doit être délivrée deux semaines avant le jour du vol annulé pour exonérer de toute indemnisation le transporteur aérien.
Ensuite, ce délai peut être réduit à 7 jours, si en plus d’informer le passager de l’annulation de son vol, celui-ci lui propose un autre vol deux heures avant l’heure de départ du vol annulé, lui permettant d’arriver avec moins de quatre heures de retard à sa destination.
Enfin, ce délai peut être inférieur à 7 jours, si en plus d’informer le passager de l’annulation de son vol, le transporteur aérien offre un réacheminement permettant au passager de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre sa destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée.
En toute hypothèse, la charge de la preuve de la délivrance d’une telle information repose sur le transporteur aérien. S’il n’est pas en mesure de rapporter cette preuve il est tenu de verser l’indemnité que les dispositions de l’article 7 prévoient.
Lorsque ces conditions sont respectées, aucune indemnisation n’est accordée au passager ayant subi une annulation.
Si une indemnité devait être due, alors elle peut être réduite de 50% si l’heure d’arriver du nouveau vol proposé ne dépasse pas l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé.
Cette indemnisation est due lorsque le contrat de transport a été conclu directement entre le passager concerné et le transporteur aérien, mais également lorsque ce contrat a été conclu par l’entremise d’un tiers, tel que, comme dans l’affaire au principal, une agence de voyages en ligne.
- Cour de Justice de l’Union Européenne 11 mai 2017 Bas Jacob Adriaan Krijgsman contre Surinaamse Luchtvaart Maatschappij n° C-302/16 ;
Il convient de noter que le règlement européen constitue certes une avancée pour deux raisons :
- Une facilitation du règlement des litiges transnationaux qu’implique par nature ce genre de contrat de transport ;
- Une amélioration minimum des conditions d’indemnisation dans les pays ayant une législation moins favorable que la France ;
En revanche, on ne peut estimer que ce règlement constitue une amélioration de la situation des ressortissants français en raison du droit très protecteur que constitue le droit de la responsabilité française.
En effet, en matière de responsabilité contractuelle, le droit français prévoit une réparation limitée au préjudice prévu et prévisible. En effet, l’article 1231-3 du Code civil dispose « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est pas exécutée. ».
Egalement l’article 1231-4 du même code dispose « Dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution ».
Le préjudice prévu et prévisible constitue en principe le montant que constitue l’inexécution contractuelle. Dans notre cas d’espèce, il s’agit du coût du billet d’avion qui constituera le dommage prévu et prévisible qu’entrainera de manière directe et immédiate l’annulation du vol.
Les juridictions françaises appliquent une politique jurisprudentielle favorable à la victime d’une inexécution contractuelle. En effet, si le contrat constitue un acte de prévision, et que les parties peuvent prévoir des clauses limitatives de responsabilité, en revanche, ces clauses seront écartées lorsque le contractant commet une faute dolosive.
Cette faute, en raison de l’exigence de bonne foi contractuelle, ne nécessite pas qu’une intention dolosive soit constituée.
- Cour de Cassation 1ère chambre civile 4 février 1969 n°67-11.387 ;
L’absence de délivrance d’information suffisamment tôt constituera une faute permettant au passager de voir écarter une clause limitative de responsabilité et d’obtenir l’indemnisation intégrale du coût de son billet.
Ainsi, là où le règlement européen prévoit une indemnisation conditionnée et forfaitisée, la jurisprudence française permettait d’obtenir l’indemnisation de l’intégralité du prix du billet d’avion et des conséquences directes et immédiates qu’une annulation pouvait entrainer en écartant ces clauses contractuelles.
Avec le règlement européen vous disposerez d’une indemnisation qui ne correspondra qu’à une partie de ce prix et à une prise en charge très immédiate des frais qu’implique une telle annulation.
En conséquence, les passagers devront se méfier des sites peu scrupuleux laissant penser aux voyageurs déçus qu’ils disposent d’un véritable droit à indemnisation intégrale et automatique.