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Délit de non confinement acte II

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Dans un précédent article nous avions présenté une analyse de la légalité du délit de non confinement instauré le 16 mars 2020. A l’aune des nouvelles dispositions intervenues le 29 octobre 2020, cette analyse est toujours d’actualité.

Bien entendu tout ce qui peut être dit dans cet article sera amené à évoluer dans les semaines voire les jours à venir.

Rappelons qu’à ce jour l’article 4 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 pose le principe de l’obligation de confinement.

Ainsi « Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit à l’exception des déplacements pour les motifs suivants en évitant tout regroupement de personnes (…) ».

Le droit ne connait pas la notion de « lieu de résidence » et tout au plus, lorsqu’il y fait référence (droit pénal, droit civil, droit fiscal) c’est pour qualifier le domicile. Ainsi l’article 102 du code civil donne une définition juridique du domicile comme étant « Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement (…) ». La jurisprudence indique que le domicile est lieu de résidence et installation durable.

  • Cour de Cassation 1ère chambre civile 18 novembre 1969 n°68-11.144 ;

Ce qu’il faut retenir c’est que ce terme générique permet de qualifier de lieu de résidence le lieu dans lequel la personne à son domicile principal (locataire, usufruitier ou propriétaire), mais également les résidences secondaires ou simplement le lieu où la personne s’est installée durablement pendant cette période.

Le délit de non confinement est soumis à une peine contraventionnelle de 135 € qui peut conduire à une peine d’emprisonnement en cas de récidive.

Ainsi, l’article L. 3136-1 du code de la santé publique dispose que « (…) La violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe (…) ».

Pour échapper à cette infraction il convient d’entrer dans les 8 exceptions prévues par l’article 4 du décret du 29 octobre 2020 :

  1. Déplacements à destination ou en provenance :
    1. Du lieu d’exercice ou de recherche d’une activité professionnelle et déplacements professionnels ne pouvant être différés ;
    1. Des établissements ou services d’accueil de mineurs, d’enseignement ou de formation pour adultes mentionnés aux articles 32 à 35 du présent décret ;
    1. Du lieu d’organisation d’un examen ou d’un concours ;
  2. Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle, des achats de première nécessité, des retraits de commandes et des livraisons à domicile ;
  3. Déplacements pour effectuer des consultations, examens et soins ne pouvant être assurés à distance et pour l’achat de médicaments ;
  4. Déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance aux personnes vulnérables et précaires, pour la garde d’enfants, ainsi que pour les déménagements ;
  5. Déplacements des personnes en situation de handicap et leur accompagnant ;
  6. Déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ;
  7. Déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;
  8. Participation à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative.

Compte tenu des conséquences importantes qu’une telle infraction peut avoir, il semble important de rappeler les limites de cette infraction.

Plusieurs questions :

  1. L’attestation de déplacement est-elle obligatoire ?
  2. Dois-je toujours avoir un véritable motif correspondant aux exceptions prévues par les textes ?
  3. Les agents verbalisateurs peuvent-ils vérifier la véracité du motif ?
  4. Ce délit de non confinement permettra-t-il d’améliorer la situation sanitaire ?

Nous allons répondre à chacun de ces points.

I- L’attestation de déplacement est-elle obligatoire ?

Sur le site du ministère de l’intérieur il est prévu trois modèles d’attestations :

  • L’attestation de déplacement dérogatoire ;
  • Le justificatif de déplacement professionnel ;
  • Le justificatif de déplacement scolaire ;

Au regard de ces modèles on peut formuler les observations suivantes.

Tout d’abord, l’attestation de déplacement dérogatoire apparait suffisante à elle seule pour justifier des 8 exceptions au délit de non confinement.

A quoi servent les deux autres justificatifs ?

A peu de chose en réalité.

Tout au plus, il est possible de noter que le justificatif de déplacement professionnel est établi par l’employeur et sera doté d’une plus grande véracité en cas de contrôle. Seulement, un salarié justifiant uniquement d’une attestation de déplacement dérogatoire ne saurait être inquiété pour cette seule raison.

Le justificatif de déplacement scolaire apparaît utile pour le parent ou le responsable de l’enfant qui devrait justifier de son déplacement, même si l’attestation de déplacement semble suffire pour justifier de cette dérogation.

Quoi qu’il en soit, l’article 4 implique deux choses :

  1. La nécessité d’une justification écrite :

En effet, il est seulement indiqué qu’il convient de se munir d’un document permettant de justifier du déplacement considéré.

Il est donc impératif de pouvoir justifier avec un document écrit de ce déplacement.

2. L’absence d’une justification formalisée :

Tant que le document reste un écrit, tout document peut être présenté dès lors qu’il permet de justifier d’une de ces dérogations.

Aucune condition de forme n’est fixée. L’attestation peut être écrite à la main, il peut s’agir d’un document numérique ou physique ; une photo, une vidéo, une facture, un acte notarié, un contrat de travail, un mail ou autre.

D’autres exemples, comme un ticket de course lorsque l’on revient de ses courses, mais encore d’une attestation d’hébergement, d’une quittance de loyer ou encore d’un avis d’imposition de taxe foncière si l’on est propriétaire. Ajouter à cela il faudra probablement justifier de son identité.

Le système reste libéral sur ce point et tout ce qui n’est pas interdit est autorisé.

Il est donc possible de déroger à l’attestation dérogatoire mais dans ce cas, il faut être davantage vigilant.

II- Le motif invoqué doit il entrer dans le cadre des huit exceptions ?

Oui, il convient de se référer à cette liste qui est limitative.

Seulement, la généralité des termes implique d’apporter quelques précisions.

Tout ce qui n’est pas interdit reste autorisée. L’interprétation stricte de la loi pénale implique de ne pas interpréter de manière plus larges les dispositions de l’article 4 au détriment des administrés.

Concernant le lieu de résidence, il est tout à fait possible de justifier être hébergé chez une personne tierce, et en même temps, en d’autres occasions justifier d’une quittance de loyer si besoin.

Concernant le trajet professionnel ne pouvant être différé, il n’y a pas de définition. Il s’agit donc de ce qui est selon le professionnel considéré comme ne pouvant être différé (poster du courrier, se rendre chez un client, ou encore, se réapprovisionner en café etc…).

Concernant le « motif familial impérieux », il s’agit d’une notion fourre-tout qui permet de grandes largesses puisque la loi ne le définit pas et que la notion « impérieux » peut donner lieu à des interprétations très subjectives.

L’assistance de personnes vulnérables et précaires est également un point intéressant puisque cette dérogation accorde une grande largesse aux auteurs de l’attestation.

Les dérogations pour déménagement appellent deux remarques. La première, il n’est pas indiqué qu’il doive s’agir de son propre déménagement. La seconde, il n’est pas indiqué qu’un déménagement ne puisse être effectué que par des professionnels faute pour les intéressés de pouvoir demander à leurs proches de les aider.

Concernant les déplacements des personnes en situation de handicap et leur accompagnant, ici, aucune autre restriction n’est précisée. Il est donc possible dès lors que l’on se trouve dans une telle situation de vaquer librement à ses occupations sans limitation géographiques et de temps. Si vous avez dans votre entourage une personne en situation handicap, il est également temps de reprendre contact avec cette dernière afin de bénéficier des possibilités dont ils bénéficient.

Concernant les déplacements brefs, les remarques seront nombreuses. Tout d’abord, la limite d’une heure quotidienne est intéressante. Cependant, comment vérifier qu’une personne n’est sortie qu’une heure par jour ? A vrai dire, cet article aurait été plus pertinent s’il entendait limiter chaque sortie à une heure. A moins que le même agent verbalisateur puisse démontrer avoir contrôlé plusieurs fois la même personne usant de cette dérogation, aucune verbalisation ne saurait intervenir légalement pour ce motif.

La limite d’un kilomètre autour du domicile appelle aussi à réflexion. Est-ce un kilomètre à vol d’oiseau ? Dorénavant on parle du domicile et non plus de la résidence. S’agit-il de la même chose pour le gouvernement ?

Concernant les activités sportives et les promenades, plusieurs remarques s’imposent. Il semble que le gouvernement cherche à rendre l’activité sportive individuelle. Il n’est donc pas possible d’effectuer une activité de jogging ou de vélo avec qui que ce soit y compris des personnes situées dans un même domicile.

Parallèlement il est possible d’effectuer une promenade avec une personne située dans le même domicile.

Enfin, si vous manquez d’imagination pour pouvoir bénéficier d’une des exceptions fixées par les textes, prenez un rendez-vous chez votre avocat. Ce déplacement constitue l’exception mentionnée au 7° de l’article 4 et vous permet de vous rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui  ne peut être réalisée à distance.

S’il existe un doute celui-ci doit profiter à la personne soumise à contrôle.

Ainsi, lorsque vous sortez, choisissez le motif que vous invoquerez afin de pouvoir le justifier lors d’un éventuel contrôle.

III- Les agents verbalisateurs peuvent-ils vérifier la véracité du motif ?

Non, ils ne le peuvent pas, mais la plupart du temps des gens ne le savent pas.

Tout au mieux, ils peuvent être amenés  à poser des questions à la personne contrôlée et éventuellement à lui demander de justifier de son identité ou d’un document permettant de corroborer l’attestation de déplacement.

En effet, comme le prévoit l’article 4, il faut un document pour justifier entrer dans une des exceptions de cet article, lequel n’est pas forcément l’attestation dérogatoire.

En réalité, le délit de non confinement sanctionnera deux types de personnes :

  • Celles qui ont manifestement décidé de ne pas tenir compte de l’exigence d’une justification écrite avant tout déplacement ;
  • Celles qui seront tombées sur un agent verbalisateur zélé qui interprétera à sa manière des dispositions qui sont imprécises et floues ;

IV- Le délit de non confinement permettra-t-il d’améliorer la situation sanitaire ?

C’est le fondement même de la mesure de police administrative qui est questionnée. Si une mesure restrictive de liberté n’est pas justifiée par la réponse adéquate qu’elle propose face au risque contre lequel elle est censée luttée, alors elle est considérée comme disproportionnée et donc illégale.

En conclusion, on peut dire que ce délit de non confinement manifeste un choix politique dans la lutte contre la pandémie. Ce choix politique est basé sur l’interdiction et les restrictions de liberté pour lutter contre une pandémie. Doucement mais surement, cet état d’urgence, devient la norme et il devient difficile d’imaginer qu’un jour nous recouvrerons nos libertés telles qu’elles étaient avant le 14 mars 2020.

Ce délit de non confinement ne permettra nullement de lutter contre la pandémie puisque les nombreuses exceptions qu’il comporte permet de faire à peu près tout ce que l’on pouvait faire auparavant sous condition de préparer l’histoire que l’on souhaitera bien raconter à l’agent qui serait amené à nous contrôler.

Il n’est nullement ici question de dire qu’il ne convient pas de lutter contre la pandémie. Il s’agit de se demander si réellement elle permettra à une personne qui est contaminée de ne pas rendre visite à un membre de sa famille ayant plusieurs causes de comorbidités à son actif.

On le voit, aucune restriction, aucune interdiction, aucune sanction, ne pourra jamais remplacer la responsabilité individuelle pesant sur chacun d’entre nous de prendre soin de nos proches en évitant les comportements à risque. On peut décider d’interdire à toute une population saine de mener la vie qu’elle avait auparavant, cela n’empêchera jamais le cours de la vie de continuer.

Si les hommes sont confinés, le monde quant à lui continue de tourner.